Le « style viking »

L'ŒIL

Le 1 septembre 2003 - 482 mots

En 2000, les expositions « 1900 » à Paris, ou « Art nouveau » à Londres révélaient le « style viking », version nordique des mouvements « Arts & Craft ».
Le mouvement « Arts & Craft », initié en Angleterre par William Morris au milieu du xixe siècle, mouvement de réforme des arts décoratifs, est un des jalons importants dans l’histoire du design, comme l’indiquait dès les années 1930 Nikolaus Pevsner dans son ouvrage : Pionniers du Design moderne : de William Morris à Walter Gropius. Ce mouvement de retour aux sources nationales, (gothiques ou celtiques en ce qui concernait l’Angleterre), signe de rupture à l’égard de l’héritage classique et néoclassique, permet d’envisager différemment les problèmes de la forme et de
la construction. Déguisé sous l’habit folklorique, ce design « vernaculaire » est un signe d’affranchissement qui conduit à l’Art nouveau. La galerie Alb Antiquités, dirigée par Antoine Broccardo, a toujours été sensible à cette préhistoire de la « bonne forme », comme nous l’avons vu lors du Carré rive gauche dans sa très belle exposition sur les objets et meubles créés dans les ateliers d’Abramtsevo et de Talachkino, en Russie au tournant du siècle. L’Objet de ce mois, un fauteuil de Lars Kinsarvik (1900), est représentatif de ce qu’on a appelé le « style viking » ou « style dragon », le mouvement Arts & Craft norvégien.
Comme les Irlandais, les Norvégiens se sont tournés vers leur passé celtique et ont remis à l’honneur l’architecture de leurs églises en bois, avec une publication de 1837 par le peintre romantique Johan Christian Dahl puis, en 1880, avec Lorentz Dietrichson et son Woodcarving in Norway. C’était moins leur mode de construction qui intriguait les contemporains que leur ornementation formée essentiellement d’entrelacs organiques, de queues de dragons et de serpents. Ce répertoire, alimenté par les découvertes archéologiques de bateaux viking de 1867 à 1903, fut utilisé pour
la décoration du Palais royal dès 1841 par Johan Flintoe et, quelques années plus tard, pour le château néogothique d’Oscarshall. D’abord cantonnée aux objets, céramique et orfèvrerie, la mode viking atteint le mobilier vers 1890. Gerhard Munthe élabore un mobilier volontairement naïf, dans l’esprit des contes de fées. Lars Kinsavirk lui emboîte le pas avec des meubles à la construction bien lisible, où la sculpture est rehaussée de couleurs inspirées des enluminures médiévales.
Les montants du dossier se terminent en têtes de dragons, à la façon des figures de proue des drakkars, tandis que ceux des accoudoirs sont sommés de têtes humaines stylisées. Pour le reste, Kinsavirk utilise l’entrelacs, peint ou sculpté mais toujours polychrome, sans que jamais l’ornement ne s’échappe des compartiments du bâti constructif, comme le montrait, à l’exposition « 1900 », un cabinet dans les mêmes tonalités que notre fauteuil, conservé au musée des Arts décoratifs d’Oslo.

L’Objet du mois est visible à la galerie Alb Antiquités, 3 rue de Lille, Paris, VIIe.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Le « style viking »

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