PARIS
Artiste imprévisible à l’humour caustique, Chéri Samba fait vibrer les couleurs dans la galerie Magnin-A.
Paris.« On l’attend toujours, il devait venir au vernissage et on ne l’a toujours pas vu », indique un André Magnin fataliste. « Avec Chéri Samba, c’est toujours comme cela, on ne sait jamais où il est. Il est absent partout où on le cherche et où il est censé être. On le croit en France et il est terré chez lui, protégé derrière les hauts murs de sa maison à Kinshasa. Ou l’inverse. C’est une énigme et un cas unique. Je n’ai jamais vu ça dans ma vie », poursuit le galeriste qui, grand spécialiste de l’art africain contemporain, en a pourtant vu d’autres. Imprévisible, l’artiste (né en 1956, à Kinto M’Vuila, en République démocratique du Congo) n’en est pas à une pirouette près. Au vernissage de l’exposition d’un choix d’œuvres de la collection de Jean Piggozi (que Magnin a constituée) à la Fondation Louis Vuitton en 2017, il était arrivé à la dernière minute déguisé en tenue militaire. À l’occasion d’une exposition collective à la Pinacoteca Agnelli à Turin, en 2007-2008, il était venu une semaine, mais personne ne savait où il était, etc.
Si l’actuelle exposition est sa première en galerie – aussi étonnant que cela puisse paraître –, l’artiste est loin d’être un débutant. Il a notamment été révélé sur la scène internationale par l’exposition « Magiciens de la terre », en 1989, sélectionné à l’époque, déjà, par André Magnin qui en était l’un des commissaires. Il a également fait l’objet d’une importante exposition à la Fondation Cartier en 2004. Et bien avant tout cela, il était déjà une figure marquante dès la fin des années 1970. Jean-François Bizot, le directeur du mensuel Actuel, l’avait invité à venir à Paris dès 1982 où il avait réalisé une dizaine de tableaux publiés dans le magazine.
Dans l’actuelle sélection d’une douzaine de pièces datées de 1989 à 2022, que Magnin a précieusement conservées au fil du temps, on reconnaît évidemment le « style Samba » caractérisé par une peinture figurative très pop, subtile prolongation et interprétation des fameuses enseignes d’échoppes africaines. On y retrouve les variantes – propres à son principe de travail – de ses toiles et de ses thèmes emblématiques : l’autoportrait, la spirale, la couleur – il a toujours dit : « La couleur est partout, c’est la vie. Il faut que notre tête tourne comme dans une spirale pour reconnaître que tout ce qui nous entoure n’est autre que couleurs. »– et les cartes du monde. Dans une toile de 2016, ici présentée et intitulée J’aime la couleur de la vraie carte du monde, il a même combiné ces thèmes en inversant la représentation habituelle des continents pour mettre l’hémisphère Sud au nord et replacer l’Afrique au centre du monde, puisqu’à ses yeux elle n’a jamais été bien représentée.
Derrière l’apparente gaieté et l’humour (souvent grinçant) qui dominent ses œuvres, s’affichent aussi fortement des prises de position politiques. Un ovni de la république (2021) en est un bel exemple, où l’on voit Samba dans un bureau présidentiel français avec ce commentaire écrit en bas du tableau « la cellule africaine de l’Élysée… fait-elle toujours la pluie et le beau temps sur le continent ». Dans une autre œuvre, Sauve qui peut dans le temps sombre (2021), deux hommes sont assis devant (ou dans ?) une maison sur de petits sièges et nous regardent. L’un est Samba et l’autre porte un masque en forme de feuille. La légende indique « Imaginer être tué par un virus qui vient de l’étranger alors que tu n’as même pas de passeport ».
Si Chéri Samba se représente systématiquement dans différentes situations, c’est aussi parce que sa vie et ses travers sont le principal sujet de ses toiles. L’une des plus récentes le montre vieillissant, en gros plan. Elle s’intitule La Vieillesse d’un homme sans péché [voir ill.] comme un pied de nez pour celui qui est reconnu comme un maître ès fabulations.
Les prix vont de 40 000 à 120 000 euros, pour cet artiste à la longue carrière, qui a figuré dans de prestigieuses expositions et qui est présent dans de nombreuses collections importantes. Mais son marché est complexe, car il est régulièrement victime de faussaires. Mieux vaut donc être vigilant sur la provenance des œuvres.
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Le style Samba
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°596 du 7 octobre 2022, avec le titre suivant : Le style Samba