PARIS
PARIS [12.02.16] - Les sénateurs ont adopté jeudi la possibilité pour un artiste de transmettre par legs le droit de suite à des catégories déterminées d’acteurs, par exemple une fondation, sous réserve de l’absence d’héritiers réservataires.
La modification de l’article L. 122-7 du Code de la propriété intellectuelle, prévoyant les modalités de transmission du droit de suite, votée le 10 février 2016 par les sénateurs dénote avec éclat le lobbying exercé par certains acteurs du monde de l’art.
Depuis 1957, seuls les héritiers d’un auteur peuvent bénéficier de la dévolution de ce droit à rémunération assis sur la revente du support corporel d’une œuvre. Les légataires, personnes morales, en étaient exclus, ce droit étant inaliénable.
Contestées par la Fondation Hans Hartung et Anna Eva Bergman, ainsi que la Fondation Alberto et Annette Giacometti, les règles de transmission furent pourtant validées par le Conseil constitutionnel, saisi par une question prioritaire de constitutionnalité, le 28 septembre 2012. La Cour de justice de l’Union européenne, dans l’affaire Salvador Dali, avait également validé, le 15 avril 2010, la possibilité pour les États membres de « déterminer les catégories de personnes susceptibles de bénéficier du droit de suite après le décès de l’auteur d’une œuvre d’art ».
Mais la loi pourrait désormais changer, sous l’impulsion du sénateur Jean-Pierre Leleux (LR), rapporteur du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine.
Sous réserve d’une infirmation par l’Assemblée nationale, l’article L. 123-7 du Code de la propriété intellectuelle se voit complété par un second alinéa. Ce dernier dispose que « Par dérogation au premier alinéa du présent article et par exception au principe d’inaliénabilité prévu à l’article L. 122-8, l’auteur mentionné au même article L. 122-8 peut transmettre par legs, en l’absence d’héritiers réservataires, son droit de suite aux musées de France ou aux fondations et associations reconnues d’utilité publique ayant un caractère culturel ou concourant à la mise en œuvre du patrimoine artistique. La durée mentionnée au premier alinéa du présent article s’applique dans les mêmes conditions ». Un auteur pourra désormais transmettre son droit de suite à des catégories limitées de bénéficiaires n’ayant pas de lien de sang avec lui et n’étant pas des personnes physiques. Sous la réserve expresse qu’il n’existe pas d’héritiers réservataires, soit des descendants et des ascendants directs. Les héritiers indirects pourront donc être écartés lors de la transmission.
L’esprit du droit de suite est préservé, en prenant soin de ne pas offrir la possibilité à l’artiste de céder son droit de son vivant à un tiers poursuivant des finalités mercantiles. Et le droit de suite, au lieu d’être recueilli par l’État en l’absence d’héritier, pourra bénéficier à une structure choisie par l’artiste.
Une application immédiate de la réforme pour les artistes décédés depuis moins de soixante-dix ans était souhaitée par le rapporteur du texte. Elle n’a cependant pas été suivie face à l’opposition du Gouvernement. Selon l’ancienne ministre de la Culture, Fleur Pellerin, qui a défendu le texte jusqu’à son remplacement, « le droit de suite aujourd’hui détenu par les héritiers, pour les successions déjà réglées, fait partie de leur patrimoine. Une expropriation devrait être indemnisée sauf à tomber sous le coup de la Constitution ». Les fondations d’artistes décédés existantes ne peuvent donc bénéficier de ce changement législatif.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Sénat modifie la transmission du droit de suite
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €La Fondation Hartung-Bergman à Antibes - Photo courtesy Fondation Hartung-Bergman
Jean-Pierre Leleux © Photo Frantogian - 2011 - Licence CC BY-SA 3.0