Dans un contexte de raréfaction des pièces, le salon qui s’est déroulé du 16 au 21 mars a surtout brillé dans les domaines des XIXe et XXe siècles.
PARIS - Prenez garde à la peinture. Ce dessin de Van Dongen, que la galerie Jill Newhouse (New York) avait négligemment laissé traîner au sol, résume l’esprit du Salon du dessin, une manifestation qui défend haut et fort sa spécificité. Le cru 2005 réservait peu d’œuvres à couper le souffle, mais plutôt des petites pépites distillées au compte-gouttes.
Chaque édition cultive un tropisme inattendu, en l’occurrence une recrudescence d’œuvres du naturaliste Adolph Menzel et du préraphaélite Edward Burne-Jones. Le symbolisme version britannique avait d’ailleurs les faveurs d’un mur entier chez Agnews (Londres), avec notamment le Chant de Desdémone avant la mort de Rossetti, déjà repéré à Maastricht, pour 750 000 euros. Le pendant belge du symbolisme avait sorti ses plus beaux atours sur le stand de Patrick Derom (Bruxelles), d’où émergeait un ténébreux autoportrait aux masques de Léon Spilliaert (190 000 euros), réservé illico par le Musée d’Orsay. Le marchand bruxellois confiait également une touche sérieuse avec un musée américain pour son spectaculaire Persée et Andromède de Gustave Moreau (750 000 euros). Certaines galeries qui avaient participé à Maastricht avaient dû revoir leur copie au gré des ventes effectuées à la Tefaf. Une tête d’homme de Menzel – décidément ! – que la galerie Katrin Bellinger (Munich) devait présenter à Paris pour 120 000 euros a finalement été négociée à Maastricht. La galerie Jean-Luc Baroni (Londres) a néanmoins récidivé avec sa tête de noir de Rubens, réservée par un particulier à la Tefaf. Malgré sa proximité avec le mastodonte néerlandais, le Salon du dessin reste abonné au succès. Les transactions y sont allées bon train, au gré d’une clientèle internationale à faire pâlir d’envie nombre de foires parisiennes.
Ancien contre moderne
Le vrai gagnant de cette édition aura été le XXe siècle, cette minorité qui poursuit son infiltration tout en contorsion, à l’image du Clown de Paul Colin chez Terrades (Paris). Non que le commerce y ait été plus dynamique qu’ailleurs, mais on y trouvait une respiration et, surtout, à qualité égale, plus d’œuvres remarquables que dans les travées des XVIIe ou XVIIIe siècles. Il est pourtant surprenant que les amateurs aient résisté devant une tête de femme de Bellmer à la chevelure « orgiaque » (28 000 euros), chez Brame & Lorenceau (Paris), ou une composition cubiste de Herbin de 1917 (100 000 euros), chez Anisabelle Berès (Paris). Antoine Laurentin (Paris) aura été le plus « politiquement incorrect », en chatouillant la maigre tolérance du salon pour le contemporain avec un spécimen de Zoran Music de 1967. Son accrochage foisonnant a d’ailleurs été salué par un rythme soutenu de ventes. Habitué au grand écart entre ancien et moderne, Arnoldi-Livie (Munich) se réjouissait aussi d’avoir vendu ses deux dessins expressionnistes, un nu féminin d’Otto Dix (24 000 euros), réservé par la National Gallery de Washington, et un dessin de 1909-1910 de Kirchner (42 000 euros), cédé à un couple new-yorkais. « Si je suis réinvité l’année prochaine, je ferai en sorte d’avoir quelque chose de fort dans le XXe siècle », promet Bruce Livie. Le salon ne pourra en tout cas plus freiner des quatre fers face au moderne. Sous peine d’ignorer les lois d’un marché dans lequel les chefs-d’œuvre anciens se raréfient.
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Le Salon du dessin abonné au succès
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°212 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Le Salon du dessin abonné au succès