La Madeleine pénitente de Georges de La Tour, longtemps perdue, a été retrouvée et authentifiée en 1981. Vendue deux fois par un marchand parisien, elle appartient désormais en copropriété à deux acquéreurs, qui ont choisi de mettre fin à l’indivision en la soumettant à une enchère publique. Elle est estimée 10 à 12 millions de francs.
PARIS - Pendant des années, cette toile a connu un triste sort : elle servait de devant de cheminée. En 1981, elle a été adjugée par Me Aguttes, à l’hôtel des ventes de Clermont-Ferrand, pour quelques milliers de francs au profit d’un marchand parisien, qui l’a à son tour mise en vente. Achetée par un particulier, la toile, très encrassée par la fumée, est restée entre les mains du marchand afin qu’il se charge des opérations de restauration. Sous le voile noir est alors apparue la signature de Georges de La Tour.
Ayant retrouvé son état civil, la Madeleine a suscité la convoitise du marchand, peu scrupuleux, qui s’est empressé de l’exporter vers les États-Unis, où elle a été une nouvelle fois vendue. Le propriétaire français lésé, qui avait entre-temps obtenu les aveux du marchand, a porté l’affaire devant les tribunaux de New York et, par décision de justice, le tableau est devenu la copropriété des deux acquéreurs, le Français et l’Américain. Souhaitant mettre fin à l’indivision, ces derniers ont décidé de confier la toile à Me Aguttes, qui la remettra aux enchères, le 23 juin, à l’hôtel des ventes de Neuilly-sur-Seine. “Sept ans après son départ pour les États-Unis, le tableau, considéré comme une œuvre américaine, revient en importation temporaire, explique le commissaire-priseur. N’ayant pas besoin d’un certificat, il pourra être vendu partout dans le monde”.
Confiée pendant son séjour américain à la National Gallery of Art de Washington, la Madeleine a fait l’objet d’une nouvelle restauration par David Bull, avant de figurer en 1997 dans la grande exposition “Georges de La Tour” à Washington. Publiée pour la première fois dans un ouvrage de Jacques Thuillier (Georges de La Tour, Paris, 1992), elle aurait d’après lui été exécutée au cours des années 1630-1635, une datation que confirme Jean-Pierre Cuzin. Qu’en pense Pierre Rosenberg ? Dans le catalogue de l’exposition qui s’est tenue à Paris, au Grand Palais, il manifeste une certaine prudence, considérant que son état de conservation gêne la lecture du tableau. De son côté, Jean-Pierre Cuzin semble confiant quant a l’authenticité de l’œuvre, ce dont il témoigne dans ce même catalogue : “Quatre Madeleine de la main de La Tour nous sont connues aujourd’hui et sont exposées ici [NDLR : au Grand Palais, lors de l’exposition de 1997]. Il faut leur ajouter une Madeleine à mi corps, demi-nue et signée, dite La Madeleine au livre, récemment réapparue et aujourd’hui dans le commerce d’art, qui reste discutée et que nous croyons pour notre part originale”. Le thème de La Madeleine repentante étant récurrent dans l’œuvre de La Tour, notre tableau globe-trotter possède quelques cousins qui sont devenus la propriété de grands musées étrangers. La Madeleine à la flamme filante est conservée au Los Angeles County Museum of Art, la Madeleine Fabius, qui présente des similitudes dans l’agencement de la composition avec le tableau mis en vente, appartient à la National Gallery of Art, à Washington, tandis que la Madeleine Wrightsman se trouve au Metropolitan Museum of Art, à New York. À Paris, le Louvre possède la Madeleine Terff qui, selon le catalogue Georges de La Tour, (Galeries nationales du Grand Palais, p. 223) serait l’une des dernières Madeleines peintes vers 1642-1644.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le retour d’un La Tour
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°60 du 9 mai 1998, avec le titre suivant : Le retour d’un La Tour