PARIS
Formulant une quarantaine de propositions, le rapport préconise un assouplissement des conditions d’exercice des commissaires-priseurs. D’inspiration très libérale, il recueille l’assentiment d’une large part de la profession.
Paris. Remis le 20 décembre, le rapport commandé par la garde des Sceaux Nicole Belloubet en juillet dernier à Henriette Chaubon, ancienne magistrate de la Cour de cassation, et Édouard de Lamaze, avocat, sur l’avenir de la profession, a recueilli le très large soutien des commissaires-priseurs français. Ils en saluent le bon sens et sont sensibles en premier lieu à la proposition préconisant le retour à « une appellation exprimant le sens et le contenu du métier », plutôt que celle d’« OVV » (opérateur de ventes volontaires).
En tout, le rapport formule quarante et une propositions qui viendraient redéfinir plusieurs conditions d’exercice de la profession, en particulier la création d’une nouvelle entité, un « Conseil des maisons de ventes aux enchères ». Si ce rapport était appliqué – il faudra pour cela qu’une proposition de loi soit déposée et votée –, certaines d’entre elles devraient réellement faciliter la vie des commissaires-priseurs. D’autres ne sont guère plus que des vœux pieux, comme lorsqu’il s’agit d’« encourager le développement de stratégies commerciales en amont et en aval de la vente » (proposition 3) ou d’« inciter la mise en œuvre de partenariats entre maisons de ventes » (prop. 38).
Selon Jean-Pierre Osenat, commissaire-priseur et président du Symev (Syndicat national des maisons de ventes volontaires), « les propositions relatives à la libéralisation de l’activité des ventes aux enchères et l’allégement des contraintes notamment administratives, témoignent d’une très juste analyse des freins actuels que les commissaires-priseurs rencontrent sur le terrain. Ces recommandations pourraient apporter plus de souplesse et de dynamisme au quotidien ». Il en va ainsi de la mise en place d’un guichet unique pour les démarches administratives (prop. 17). « Dans le cas des souvenirs historiques, des démarches doivent être faites auprès du ministère de la Défense, du ministère de la Culture, du ministère du Patrimoine, de la direction des Archives…, on ne sait même plus à qui s’adresser ! », déplore Jean-Pierre Osenat.
Mettre en œuvre la numérisation du livre de police et du répertoire des procès-verbaux (proposition 18) : à l’heure du numérique, « il serait temps », approuvent les professionnels, enthousiasmés également par la proposition de simplification des certificats d’exportation (prop. 19). « Il faudrait surtout changer les seuils pour désengorger l’administration», commente Aymeric Rouillac, commissaire-priseur à Tours.
Autres propositions de « bon sens » : simplifier la réglementation de la vente d’ivoire, remédier à l’incertitude du droit de suite ou encore alléger les exigences en matière de justificatifs d’exonération de la taxe forfaitaire. « En dix ans, il n’a été instauré que des tracasseries fiscales. En conséquence, certains collectionneurs préfèrent vendre désormais à l’étranger, se désole Aymeric Rouillac. Nous sommes arrivés à un formalisme complètement fou. Nous passons notre temps à faire des déclarations, remplir des papiers, concernant le droit de suite, la Maison des artistes… Nous sommes des collecteurs de taxes ! Un allégement des contraintes nous fera gagner du temps et sera davantage porteur pour le marché. » Par ailleurs, « ne pas risquer de freiner l’apport d’objets d’art extracommunautaires par une TVA à l’importation trop lourde » (prop. 22), « serait logique, quand on sait que 70 % des objets sont vendus à l’étranger ! », lance le président du Symev.
Un « Conseil des maisons de ventes »
L’autre point du rapport qui a retenu l’attention des professionnels concerne la proposition de création d’une nouvelle instance de régulation– car il en faut une, ont estimé les rapporteurs – soit un « Conseil des maisons de ventes » se substituant au Conseil des ventes volontaires (CVV) et qui intégrerait une « majorité de professionnels » (le CVV n’en comporte actuellement que trois). « Le manque de représentativité et d’écoute posait problème, sans compter que ce sont d’anciens magistrats qui siègent au CVV, et apportent de ce fait une vision trop juridique de la profession », estime Dominique Ribeyre, commissaire-priseur depuis quarante-trois ans et membre du CVV.
Depuis des années, le Symev menait une action de lobbying pour affaiblir cette instance de régulation – certains prônant même l’autorégulation. « Aujourd’hui, 95 % des commissaires-priseurs associent le Conseil des ventes à une instance disciplinaire. Nous n’avons pas besoin de père Fouettard mais d’un organe de représentation de la profession, chargé de défendre et d’aider les commissaires-priseurs dans leur mission ! », tempête Jean-Pierre Osenat. « Sans parler des cotisations élevées qui payent le loyer du CVV et les salaires », ajoute cet autre connaisseur du marché, qui souhaite rester anonyme. Aussi le rapport recommande-t-il d’instaurer « une commission des sanctions indépendante, sans lien hiérarchique ni fonctionnel avec le président du nouveau conseil ».
Par ailleurs, la proposition selon laquelle un représentant du ministère de la Justice et un autre du ministère de la Culture siègent dans ce futur conseil paraît fort judicieuse, car c’est par leur biais que les informations et les éventuelles difficultés pourront remonter à l’Administration. « Cet organisme va certainement remplacer et le Conseil des ventes et le Symev », estime Jean-Pierre Osenat. Le CVV s’est abstenu de tout commentaire.
Mais, si certains des professionnels consultés estiment que ces mesures vont permettre une plus grande attractivité de la place de Paris sur le marché mondial et un nettoyage de l’ancien système, en donnant une autre image du métier, notamment à l’étranger, ce n’est pas le cas de tout le monde. « C’est bien beau d’avoir de nouvelles règles amenant plus de simplifications, plus de libéralisme, plus de fluidité, plus d’ouverture, mais ce n’est pas cela qui dynamisera le marché », fait observer Dominique Ribeyre.
La suppression de l’examen au stage, une fausse bonne idée ?
profession. Le rapport se penche sur l’accès à la profession (propositions 10 à 15), prônant un accès plus ouvert à la profession de commissaire-priseur volontaire. Il recommande ainsi la suppression de l’examen d’accès au stage. Or, avec un nombre d’opérateurs de vente qui ne cesse de fléchir depuis cinq ans, pour s’élever à 403 en 2016 et 2017, le marché n’est-il pas, sinon saturé, du moins arrivé à maturité. Peut-il réellement accueillir de nouveaux commissaires-priseurs ? « On ne va pas se partager le gâteau mais le gâteau va être plus grand. Quand on sait que seulement 30 % des objets sont vendus sous le marteau (donc 70 % par d’autres canaux), davantage de personnes pourront vendre leur savoir-faire », estime Jean-Pierre Osenat. « Notre formation est excellente, pourquoi revenir à ce qui se faisait il y a quarante ans ? En acceptant tout le monde, cela va engendrer davantage de frustrations, un peu comme avec le baccalauréat », juge pour sa part Aymeric Rouillac.
Marie Potard
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Le rapport Chaubon-Lamaze salué par les commissaires-priseurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°515 du 18 janvier 2019, avec le titre suivant : Le rapport Chaubon-Lamaze salué par les commissaires-priseurs