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ART CONTEMPORAIN

Le pontillisme selon Gwen O’Neil

Par Amélie Adamo · Le Journal des Arts

Le 5 juin 2024 - 682 mots

Première exposition de la jeune artiste américaine représentée par la galerie Almine Rech.

Paris. Ayant grandi sur la Côte est des États-Unis entre New York et East Hampton (État de New York), Gwen O’Neil, née en 1992, s’est installée à Los Angeles où elle vit et travaille. Les peintures exposées dans l’espace de la galerie parisienne Almine Rech sont inspirées par les conditions météorologiques et la luminosité caractéristiques de la Californie du Sud, conséquences de facteurs à la fois naturels et artificiels.

Le travail de cette artiste trentenaire s’inscrit dans le courant abstrait Light and Space, né dans les années 1960 sur la Côte ouest. Ce mouvement réunit des artistes qui ont développé une exploration sensitive de l’espace à travers des installations utilisant la lumière, électrique ou naturelle. Mais la peinture de Gwen O’Neil se veut aussi héritière de la tradition impressionniste et pointilliste. Sa touche en volute ou tourbillonnante, l’usage de la couleur pure juxtaposée, l’éclat flamboyant de sa palette doit autant à Georges Seurat et Paul Signac qu’à Van Gogh ou Claude Monet que la jeune artiste américaine a longuement regardés. Dans la continuité de cet héritage, sa peinture joue de l’effet produit entre l’illusion d’une profondeur et la matérialité frontale et plane de la peinture pure, aux lisières de l’abstrait et du figuratif. À l’instar des maîtres impressionnistes, O’Neil essaie de capter des phénomènes ressentis sur le motif : une atmosphère vaporeuse, le flamboiement d’un crépuscule, le fourmillement d’un vol d’oiseaux ou le souffle des vents de Santa Ana. Mais cet éblouissement face à la nature, cher aux impressionnistes, se charge d’une ambiguïté inquiétante. La peinture de Gwen O’Neil capte une beauté qui est aussi le reflet de la menace pesant sur la nature et le vivant aujourd’hui : espèce d’oiseau invasive, tempêtes, feux, qui sont aussi le signe d’un écosystème menacé par la pollution et le dérèglement climatique.

Un bon accueil à Art Basel Miami

Lorsqu’elle rencontre Gwen O’Neil dans son atelier à Los Angeles, Almine Rech dit avoir été « immédiatement captivée » par cette peinture au cœur de laquelle réside « le fascinant sujet de la lumière et de l’espace ». « Le courant est tout de suite passé », précise Nicolas De Chérisey, directeur de la galerie. « Sa pratique de l’abstraction est importante pour nous du fait que la galerie est fondée sur une esthétique minimaliste et conceptuelle. Mais le fait qu’elle utilise la peinture répond aussi à notre vision éclectique de la scène contemporaine. Par ailleurs, nous sommes sensibles au fait de représenter des artistes femmes. » Après avoir présenté Gwen O’Neil dans le cadre de la Foire Basel Miami Beach 2023, où la réception fut très « positive » selon le galeriste, le choix de représenter l’artiste s’est imposé comme une évidence.

D’après Nicolas de Chérisey, cette exposition parisienne « est bien reçue et bien vendue » : affichées entre 10 000 et 40 000 dollars (pour les plus grands formats), les peintures de Gwen O’Neil séduisent des collectionneurs de toutes nationalités et restent par leurs prix « abordables aux jeunes collectionneurs ». Des prix « qui sont dans le marché », précise le galeriste : « Ce n’est pas peu cher, mais pour son âge et sa popularité, c’est raisonnable. »

Si l’on compare toutefois l’artiste américaine à des artistes français de sa génération, à l’instar de Fabien Adèle, né en 1993, également représenté par la galerie, l’écart de cote demeure significatif. Pour sa dernière exposition chez Almine Rech, la fourchette haute des œuvres de l’artiste français se situait entre 20 000 et 25 000 euros. Le marché serait-il plus fort aux États-Unis du fait, entre autres, d’un engagement plus important des institutions dans le soutien de ses artistes ? « Cela y participe en effet, admet Nicolas de Chérisey. En France, l’institution est moins soutenante vis-à-vis des artistes français. Notre fonction en tant que galerie, c’est de pousser les artistes, de les soutenir, de créer des ponts avec les institutions. C’est un travail de longue haleine. » Gwen O’Neil étant déjà présente dans la collection du X Museum à Pékin, l’un des objectifs majeurs actuels de la galerie est de réussir à intégrer son œuvre dans les collections publiques françaises.

Gwen O’Neil, Over the Ridges and through the Passes,
jusqu’au 14 juin, Almine Rech, 64, rue de Turenne, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°635 du 7 juin 2024, avec le titre suivant : Le pontillisme selon Gwen O’Neil

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