Pendant de nombreuses années, le marché du dessin est resté ésotérique, réservé à des amateurs. En perpétuelle ascension depuis les années 80 et devenu l’objet d’un réel engouement, il s’est aujourd’hui ouvert, mais reste très sélectif. Comme l’affirme Antoine Laurentin, spécialiste du dessin XIXe et XXe, un grand nom d’artiste ne garantit pas une œuvre de qualité. Or, la qualité est le critère premier recherché par l’acheteur. L’œuvre se doit d’être désirable. Le collectionneur qui entasse des dessins dans des cartons se fait aujourd’hui plus rare. Le galeriste a par conséquent choisi, pour son exposition de dessins modernes « De Vuillard à Manessier », de privilégier le plaisir sensoriel et la découverte, en alternant œuvres d’artistes reconnus tels que Vuillard, Kupka ou Redon et feuilles de mains moins célèbres, comme Richard Poussette-Dart ou Laboureur. Antoine Laurentin est un découvreur et tente régulièrement de réhabiliter, par des expositions et des catalogues raisonnés, des artistes injustement restés dans l’ombre (Guérard, Rémond). Dans le cadre de la Semaine du Dessin et en parallèle au Salon du Dessin, auquel le marchand ne participe pas cette année, cette exposition propose des œuvres produites entre 1870 et 1914. Un Breton à Pont-Aven d’Emile Bernard (1888) touche par sa simplicité. L’artiste a alors assimilé les leçons de Gauguin et pousse son dessin au synthétisme le plus extrême, quelques traits de fusain suffisent à lui donner vie et expression. Maillol est représenté par Dina étendue, sanguine aux courbes harmonieuses et à l’érotisme non dissimulé. Parmi d’autres curiosités, des caricatures au Pastel de Baroni, une aquarelle de Rodin, dessin sculptural au modelé de blanc et d’ombres, et une rareté, un petit dessin de Bonnard au dos d’une lettre adressée à l’artiste par Claude Terrasse en 1894, étude pour une couverture de La Revue blanche. A noter aussi, l’œuvre d’Enrico Prampolini, Masque n° 1, finement analysée dans le catalogue par Giovanni Lista qui la considère comme la synthèse de toutes les recherches du Futurisme. Ce choix de dessins – entre 4 500 et 150 000 euros – révèle les goûts du marchand qui a toujours préféré le chef-d’œuvre inconnu à une œuvre moyenne d’un artiste très coté.
- PARIS, galerie Antoine Laurentin, 65, rue Sainte Anne, tél. 01 42 97 43 42, 15 mars-6 avril, cat. 16 euros.
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Le goût du dessin moderne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°534 du 1 mars 2002, avec le titre suivant : Le goût du dessin moderne