Véritable creuset de mouvements artistiques, le xixe siècle offre un riche réservoir de dessins. Derrière les chefs de file âprement disputés, de nombreux artistes restent abordables.
Siècle de tous les bouleversements politiques, le xixe fut aussi fertile en mouvements artistiques. « C’est le vrai âge d’or français, la période où la France est une locomotive. Un artiste qui avait envie de faire carrière venait à Paris », observe le galeriste Bertrand Gautier. Pourtant, jusqu’aux années 1970, l’histoire de l’art a négligé cette charnière de toutes les modernités. Du coup, comme le rappelle Bertrand Gautier, un peintre espagnol de la même époque vaut dix fois plus cher qu’un Français.
L’abondance des dessins a parfois aussi rebuté les amateurs en quête de rareté. « Les dessins néoclassiques du début du xixe siècle ont vu leurs prix baisser. En revanche, les feuilles de la fin
du siècle restent stables », indique le marchand Antoine Laurentin.
Les Maîtres d’écoles…
Le xixe résonne de quelques figures tutélaires. Les dessins de l’artiste néoclassique Jean-Dominique Ingres (1780-1867) s’avèrent âprement disputés, car l’essentiel du fond d’atelier est conservé dans sa ville natale de Montauban. Rareté oblige, les grands portraits taquinent parfois les 500 000 euros. Il fallait ainsi compter 370 000 dollars pour acquérir chez Sotheby’s en janvier 2001 un Portrait de Jean-Louis Provost. En revanche, un Portrait de la princesse de Broglie, à l’estimation par trop prohibitive de 500 000 euros, est resté sur le carreau chez Christie’s en mars 2003. La beauté du modèle joue notablement sur les prix.
En marge de tels sommets, de jolies études tutoient les 10 000 et 20 000 euros. Chantre du romantisme, Eugène Delacroix (1798-1863) a produit un grand nombre de dessins. De fait, les prix cultivent le grand écart entre 3 000 et 450 000 euros.
Les « bons » élèves
Ceux qui ne peuvent gravir ces coûteux sommets peuvent chiner dans l’entourage des têtes de pont. Le xixe siècle fonctionnant par clans ou écoles, il est possible de trouver autour des figures magnétiques d’autres qui ne sont pas forcément des suiveurs serviles.
Après une forte hausse enregistrée voilà une dizaine d’années sous l’impulsion des acheteurs américains, les prix des élèves d’Ingres tendent à se tasser. Les dessins des frères Hyppolite et Paul Flandrin (lire p. 68) se négocient ainsi pour la plupart entre 1 000 et 3 000 euros en raison de leur pâleur.
D’autres figures majeures restent en jachère. Un artiste aussi réputé que Thomas Couture (1815-1879), qui forma notamment Édouard Manet ou Henri Fantin-Latour, enregistre des prix modestes pour ses dessins, de l’ordre parfois de 8 000 à 10 000 euros. De même une feuille du sculpteur Carpeaux se contente de 10 000-12 000 euros, alors même que les dessins sont essentiels dans son processus de création.
Si le symbolisme reste très apprécié en particulier outre-Atlantique, certains pans de ce mouvement, notamment l’école rosicrucienne, restent en rade. Derrière Gustave Moreau (1826-1898), dont les œuvres taquinent les centaines de milliers d’euros, de nombreux symbolistes français peu valorisés dans les expositions restent méconnus. La galerie La Scala présente au Salon du dessin une feuille de Salomon Sarluis, pour 7 000 euros.
Les bourses les moins déliées peuvent aussi opter pour les dessins académiques, certains étant déclassés pour leur gaucherie. Ils excèdent rarement quelques centaines, voire milliers d’euros. De même, le paysage romantique et l’école de Barbizon, autrefois prisés par les Américains, sont en souffrance. Les aquarelles de Paul Huet (1803-1869), baptisé le « Delacroix du paysage », se sont longtemps contentées de 2 000-3 000 euros, d’autant plus qu’elles présentent parfois des rousseurs d’humidité. La cote d’Huet a toutefois été revue à la hausse avec la vente de la collection Pierre Miquel en 2004. À cette occasion, la plupart des dessins ont triplé leurs estimations. Une aquarelle d’une veine presque impressionniste, Étude dans la Manche, 1861, a même décroché 32 000 euros, soit quatre fois son estimation. Une hirondelle ne fait toutefois pas le printemps.
Néoclassicisme Né en réaction au style rocaille, le néoclassicisme aspire à une rigueur et une harmonie inspirée de l’Antiquité. Jacques-Louis David fut l’un des représentants de ce mouvement tout comme son élève Jean-Dominique Ingres. Romantisme Lui-même en réaction au néoclassicisme, le romantisme, incarné par Delacroix et Géricault, accorde une grande importance aux sentiments, à la littérature romanesque et à l’exotisme. Symbolisme Les artistes de ce mouvement né à la fin du xixe puisent leur inspiration dans les rêves, les hallucinations et les fantasmes. Derrière les têtes de pont, des artistes moins valorisés dans les expositions restent abordables.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le dessin XIXe fait toujours recette
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : Le dessin XIXe fait toujours recette