De nombreux artistes ont puisé à l’étranger de nouvelles sources d’inspiration. Souvent démantelés, leurs carnets de voyage sont rares sur le marché. Mieux vaut rechercher des feuillets isolés.
La quête, teintée d’exotisme, de l’inconnu a poussé les artistes à explorer le monde. « Les destinations traditionnelles sont, dès la fin du XVe siècle, l’Italie et, à partir du XVIIIe siècle, la Grèce. On redécouvre aussi la Turquie, puis la Terre sainte et l’Égypte », rappelle le marchand Antoine Cahen. En chemin, ces artistes voyageurs ont rempli de nombreux carnets de notes et croquis.
Les carnets sont dépecés
L’apparition d’un carnet en ventes publiques s’accompagne souvent d’un démantèlement. Ce fut le cas d’un carnet de voyage au Venezuela de Camille Pissarro, adjugé pour 160 000 euros chez Piasa en juin 2004. Composé de 56 feuillets doubles-faces, ce carnet présentait des croquis idéalisés de scènes villageoises. En janvier, quelques feuilles détachées sont apparues chez Christie’s à New York pour un total de 194 280 dollars. D’après le galeriste Philippe Heim, la rareté des carnets s’explique aussi par le fait que la plupart sont conservés dans les musées, ou par les descendants des artistes, lesquels consentent rarement à s’en séparer.
Passage obligé pour la formation des artistes, l’Italie aura inspiré plus d’un créateur. En mars dernier chez Christie’s, une vue de la Piazza della Rotonda par Hubert Robert quadruplait son estimation avec 120 000 euros. D’autres dessins italianisants de cet artiste, dont « il est difficile de dire si les dessins sont réalisés sur place, ou après », précise Antoine Cahense, se contentent toutefois de 25 000 euros. De 1775 à 1780, Jacques Louis-David réalisera un millier de dessins en Italie. À son retour, il les organisera en douze albums. En 1986, Sotheby’s avait cédé à Monaco un album pour 1,5 million de francs.
Voyageurs et diplomates
Delacroix fut, lui, le premier peintre à se rendre en 1832 au Maroc, missionné par le roi Louis-Philippe auprès du sultan. Plus qu’un témoignage diplomatique, le voyage aura des allures de révélation. « Venez en Barbarie, vous y verrez le naturel qui est toujours déguisé dans nos contrées, vous y sentirez de la plus précieuse et rare influence du soleil qui donne à toute chose une vie pénétrante », écrit l’artiste à un ami. Delacroix ramènera au moins huit albums de ce voyage, dont quatre seulement subsistent intégralement, l’un est au musée Condé à Chantilly, et les trois autres au musée du Louvre. Ses feuilles isolées sont plus fréquentes sur le marché.
En 2004 à la Biennale des Antiquaires, la Galerie Schmit présentait pour 430 000 euros Le Repos des Arabes, réalisé cinq ans après son séjour marocain.
L’exploration du domaine colonial français se poursuit au xxe siècle. Lors de son premier voyage en république Centrafricaine, le portraitiste ethnographe d’origine russe, Alexandre Iacovleff, réalise 300 dessins et 15 albums de croquis. Il se distingue lors de ces équipées par sa capacité à nouer de bonnes relations diplomatiques avec les chefs locaux. « Pressentant que le talent et la rapidité du dessinateur étaient imprégnés de pouvoir magique, certains chefs nomades connus pour avoir attaqué les voyageurs précédents laissèrent passer le groupe Citroën en échange d’un pastel », raconte Francine du Plessis-Gray.
En 1996, les dessins d’Iacovleff se négociaient pour environ 9 000 euros chez Philippe Heim. Une belle sanguine vaut aujourd’hui entre 15 000 et 20 000 euros. En mars 2005, six planches lithographiques d’après ses voyages sont adjugées pour 3 120 euros chez Christie’s. Dans la même vente, un dessin représentant un Chinois est parti pour 19 200 euros. Dopée par l’arrivée de nouveaux collectionneurs russes, l’envolée ne fait que commencer.
Jacques-Louis David (1748-1825). C’est en Italie, où le peintre séjourne de 1775 à 1780, que s’effectue sa conversion à l’antique. À Rome, il conçoit Le Serment des Horaces. Il ramènera 12 albums de ce séjour transalpin. Eugène Delacroix (1798-1863). Il suit en janvier 1832 la délégation du comte de Mornay au Maroc. Au cours de son séjour de 5 mois, il consigne dans 8 albums des croquis dont il se servira tout au long de sa vie. Alexandre Iacovleff (1887-1938). Cet artiste d’origine russe étudie les mœurs indigènes lors des expéditions organisées par André Citroën de la Croisière noire (1924) et de la Croisière jaune (1931).
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Le dessin de voyage dans le circuit marchand
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : Le dessin de voyage dans le circuit marchand