Avec la pandémie et ses confinements successifs, les acheteurs ont davantage sollicité les sites de vente en ligne de pièces de design qui affichent des taux de croissance prodigieux.
Si la crise sanitaire à laquelle le monde est confronté a ravagé certains secteurs, d’autres au contraire ont pu tirer profit de la situation. Ainsi, l’e-commerce a vu ses ventes exploser en 2020, un phénomène auquel les plateformes de ventes de design en ligne ont contribué.
Dans ce domaine, où les sites ont poussé comme des champignons – certains fermant aussitôt –, quatre plateformes tiennent le haut du pavé. Il y a d’abord 1stDibs, un site américain créé en 2001 par le collectionneur d’art Michael Bruno. Leader mondial, avec un chiffre d’affaires avoisinant les 300 millions de dollars [247 M€], il affiche des prix 2 à 3 fois plus élevés que ses concurrents et ne propose pas que du design. En 2013, le site allemand Pamono s’est lancé, suivi des sites français Design Market et Selency (ex-Brocante Lab) en 2014. « J’ai toujours beaucoup chiné. Je perdais un temps fou, se rappelle Charlotte Cadé, alors j’ai fondé Selency, un site sélectionnant le meilleur de la seconde main, avec toute une palette de services, une alternative pour tous ceux qui n’ont pas le temps d’acheter ou qui ne souhaitent pas acheter du neuf industriel. »
Tables, chaises, canapés, luminaires, miroirs…, les chineurs 2.0 peuvent trouver leur bonheur sur ces plateformes et il y en a pour toutes les bourses. « Nous vendons des objets milieu de gamme, de 2 000 à 20 000 ou 30 000 euros », affirme Lionel Obadia, cofondateur de Design Market, dont le panier moyen tourne autour de 1 300 euros, quand celui de 1stDibs se situe aux alentours de 2 000 euros et celui de Selency, autour de 200.
Côté vendeurs, ces plateformes ne traitent qu’avec des professionnels, galeries et antiquaires, excepté Selency qui accepte également des particuliers. Chez Pamono, c’est l’équipe elle-même qui sélectionne les produits auprès des galeries, boutiques et designers. « Le meilleur moyen d’avoir une plateforme fiable est de ne travailler qu’avec des professionnels – environ 1 000 dont 50 % sont français –, un gage de sérieux permettant de lutter contre les faux puisqu’ils ont l’obligation de tenir un livre de police », précise Lionel Obadia. Voilà le principal enjeu de ces marchés : lutter contre les faux.
Pour tenter de régler ce problème, plusieurs niveaux de contrôle ont été mis en place. Chez Design Market, les vendeurs professionnels sont recrutés sur candidature, validée par un comité de sélection et, avant d’être mis en ligne, chaque objet – il en arrive 300 à 400 par jour – est vérifié en interne. En cas de doute sur une pièce, l’équipe fait appel à un expert. Dans une moindre mesure, Selency effectue également plusieurs contrôles, de la validation par l’équipe des pièces postées (leur bon état, qu’il s’agit bien d’une seconde main…), tandis que celles signées sont authentifiées par un expert.
Pour se rémunérer – l’abonnement est gratuit sauf chez 1stDibs –, les plateformes ont recours à un système de commissions (entre 10 et 25 % selon la catégorie du vendeur ou le prix de la pièce).
« Non seulement il y a eu un accroissement de l’intérêt des vendeurs pour intégrer la plateforme, mais aussi une augmentation du nombre de ventes sur le site », affirme un porte-parole de 1stDibs. Design Market, qui compte 300 000 visiteurs « uniques », passé l’effet de sidération du premier confinement, a vu ses ventes repartir de plus belle. « Les utilisateurs ont vite repris leurs habitudes de consommation et nous avons constaté 30 à 40 % de ventes en plus », rapporte Lionel Obadia, qui confie avoir doublé son chiffre d’affaires entre 2019 et 2020. Même constat chez Selency, qui rassemble 200 000 objets sur le site, avec 1 500 nouveautés par jour. « Si notre chiffre d’affaires est en constante augmentation depuis 6 ans, en 2020, nous l’avons plus que doublé pour atteindre un volume de ventes de 30 millions d’euros », annonce Charlotte Cadé.
Les retombées ne se sont pas fait attendre chez les vendeurs : « Au deuxième semestre 2020, mon chiffre d’affaires via ces marchés en ligne a augmenté de 55 % », a constaté Amélie Girona Alarcos (La Broc’Bacott’, à Bois-le-Roi dans le 77). « Je suis depuis peu sur Selency. En octobre, j’ai vendu une pièce tous les deux jours ! Entre autres à un Américain, à un Danois et à une galerie londonienne. Avec le confinement, les gens s’ennuient alors ces sites cartonnent », témoigne un utilisateur. Face à ce constat, certains organisateurs de foires de design ont même lancé, en partenariat avec les plus grandes galeries de la spécialité, leur propre plateforme – à mi-chemin entre la foire numérique et le site marchand – avec une recherche par nom de galerie plutôt que par article. En juin, Design Miami a créé son « e-shop » (shop.designmiami) avec les prix affichés. Le PAD lui a emboîté le pas en novembre en instaurant une plateforme permanente (padesignartonline) à disposition de ses 80 exposants parisiens et londoniens (l’accès est gratuit pendant un an et sans commission).
Plusieurs facteurs ont contribué à la montée en puissance de ces marchés et à l’engouement des acheteurs. En premier lieu, suite à la crise sanitaire, les gens ont passé plus de temps chez eux et se sont davantage préoccupés de leur intérieur. « Souvent en télétravail, ils ont aussi souhaité avoir davantage de confort pour travailler, en s’offrant par exemple une nouvelle chaise de bureau », explique Charlotte Cadé. Sans compter que les boutiques « physiques » étant fermées, les brocantes annulées, ils n’ont pas eu d’autre choix que de se rabattre sur Internet. « Et comme les restaurants, les cinémas étaient fermés, les gens ont attribué davantage de budget à la déco », ajoute Lionel Obadia. « Pendant le confinement, j’ai refait toute ma déco. J’ai surfé sur des sites en ligne agrégeant plein de professionnels et particuliers afin d’avoir un choix plus large. Ils sont très professionnels avec une sélection aisée par objets, designers, prix, nouveautés, style, matériaux… », confirme un particulier.
À cela s’est ajoutée la prise de conscience de consommer autrement. « Acheter de la seconde main participe d’un mouvement global qui prend de l’ampleur. Il est plus que nécessaire d’adopter une autre manière de consommer pour notre planète », interpelle Charlotte Cadé.
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L’e-commerce d’objets vintage profite de la crise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°560 du 5 février 2021, avec le titre suivant : L’e-commerce d’objets vintage profite de la crise