Artcurial

Le bon coup de Martinet

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2006 - 703 mots

Après la vente Rossignol, la dispersion du contenu de ce château chargé d’histoire,
situé près de Carpentras, remet le mobilier XVIIIe à l’honneur.

 PARIS - Fort de la vente de la collection Rossignol et ses meubles d’exception totalisant 15,8 millions d’euros le 14 décembre 2005 (lire le JdA no 228, 6 janvier 2006), Artcurial devient une référence pour le mobilier XVIIIe en France. Décroché face à la concurrence, le contenu du château du Martinet a obtenu des résultats plus qu’honorables le 14 mars à l’hôtel Dassault, avec des achats majoritairement français. Située près de Carpentras (Vaucluse) et bâtie au XIVe siècle, cette demeure ancestrale de la famille des Isnards fut achetée en 1987 par un couple de jeunes propriétaires, les Prouvost, qui a maintenu nombre de meubles et de tableaux chargés d’histoire in situ. Selon le commissaire-priseur de la vente, Hervé Poulain, « l’exposition pendant quatre jours de la collection du château du Martinet à l’hôtel Dassault, qui recréait avec talent l’environnement de la demeure familiale, a beaucoup contribué à ce succès ».
De 14h15 à 20h, dans une salle comble, les enchères soutenues se sont succédé, à commencer par les tableaux. Les anciens propriétaires du château, la famille Isnards, ont racheté symboliquement quelques toiles historiques, tels les portraits sur cuivre de deux enfants de la famille Cambis, de l’école française du XVIIe siècle, pour 5 920 euros. La paire de grands tableaux de l’école espagnole du XVIIe siècle représentant Philippe le Beau et Jeanne la Folle, qui ornait les murs de la superbe salle à manger classée monument historique, est partie à 27 130 euros, plus du double de son estimation. Plusieurs paysages maritimes de David de Marseille, Adrien Manglard et Lacroix de Marseille, adjugés entre 27 130 et 74 000 euros, ont eux aussi presque tous doublé leur estimation. Les toiles du XIXe se sont également bien vendues, notamment à 11 100 et 10 480 euros pour Le Départ des barques de pêche et Les Petites marchandes de poissons d’Isabey.

La résurrection de la commode « tombeau »
80 % des lots de la collection de cent vingt pièces de lions en céramique, de toutes tailles et de toutes époques, ont été vendus. Les deux lots les plus importants, soit deux paires de lions gueule ouverte du XVIIIe siècle, l’une de 89 cm en faïence de Rouen émaillée blanc et l’autre de 95 cm en faïence de Midi au corps ocre jaune, ont atteint respectivement 23 430 et 19 730 euros.
Mais la vraie performance vient de la section « Mobilier ». « Les meubles ont très bien marché, même les commodes “tombeau”, très difficiles à vendre depuis quelque temps. Avec quasiment pas de prix de réserve, ils ont donc fait de vrais prix et ma fierté, commente Hervé Poulain. C’est une divine surprise pour le XVIIIe, qui est loin d’être mort dans une catégorie qui n’est pas celle de Rossignol. » Le prix le plus élevé de la vente est allé à un grand bureau plat d’époque Louis XV attribué à Pierre II Migeon, qui a triplé son estimation jusqu’à l’enchère de 147 990 euros. « Un bureau de modèle similaire attribué à Pierre II Migeon qui se trouvait dans la collection du duc de Talleyrand, vendue à Paris chez Christie’s le 26 juin 2005, n’a fait que 54 000 euros », s’enorgueillit la maison Artcurial. Une maison qui, à coups de comparatifs, ne cache pas ses velléités de chasser sur les mêmes terres que son concurrent et voisin.
Notons aussi un élégant bureau plat en bois noirci d’époque Régence envolé à quatre fois son estimation, soit 50 560 euros ; une commode en acajou d’époque Louis XVI, estampillée Canabas, partie à 34 530 euros, au triple de son estimation ; ou encore une rare console italienne, vers 1740, attendue autour de 15 000-20 000 euros, et adjugée 37 000 euros.

Château du Martinet

- Estimation : 800 000 euros - Résultat : 1,6 million d’euros - Experts : Jean-Gabriel Peyre (faïences), Guy Herdhebaut (tableaux), Roland Lepic et le cabinet Le Fuel de L’Espée (meubles et objets d’art) - Lots vendus : 80 % (dont 74 % pour les tableaux et 84 % pour le mobilier) - Nombre de lots vendus/ravalés : 244/62

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°234 du 31 mars 2006, avec le titre suivant : Le bon coup de Martinet

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