Pour sa quatrième édition, l’Automne asiatique réunira cette année quatorze galeries, avec de nouveaux participants tels que Slim Bouchoucha & Jean Lostalem ou Katsura. Regroupées depuis le mois de janvier au sein de l’Association des spécialistes des arts asiatiques, ces galeries veulent re-dynamiser le marché de l’art asiatique à Paris, et rêvent de redonner à la capitale la place qu’elle occupait jusque dans les années 1950.
PARIS - Après Jacques Barrère et Christian Deydier qui ont devancé la date officielle de la manifestation en commençant leurs expositions début octobre (lire le JdA n° 134, 12 octobre 2001), les douze autres galeries lancent l’offensive, à leur tour, le 7 novembre. Regroupées autour de l’Association des spécialistes des arts asiatiques, créée en janvier 2001 (siège : 44 rue de Lille, 75007 Paris) , elles offrent une cohérence et une force nouvelles à l’événement. L’objectif est de rendre le marché plus transparent et de lui donner un label de qualité et de sérieux. Il ne faut pas en conclure hâtivement que les antiquaires ne participant pas à la manifestation ne sont pas dignes de confiance : l’association attend de nouveaux adhérents pour les prochaines éditions. Cette fédération vise à créer une solidarité entre les marchands mais aussi à bénéficier d’une économie d’échelle en créant une communication commune. Il s’agit également d’inciter les collectionneurs à se déplacer dans les galeries de façon à multiplier les opportunités de
transactions.
Les bronzes dorés sont particulièrement célébrés cette année. Slim Bouchoucha & Jean Lostalem se concentrent sur le Tibet, avec des sculptures représentant des moines, lamas, bodhisattvas, ou encore avec cette plaque provenant d’un stupa du monastère de Den Satil (XVe siècle). Sur cette dernière, quatre divinités musiciennes féminines tantriques dansent, tenant des objets rituels. Le Musée Guimet a récemment acquis deux plaques similaires. La destruction de ce monastère par les Chinois en 1959 a médiatisé ce genre de pièces devenues rares.
Influence de l’art du Gandhara
Après le bouddhisme vient l’hindouisme à la galerie Katsura. La sérénité de Knut Sibbel-Brinkmann permet d’effectuer une pause « détente » sur ce parcours. Le marchand propose un bel Amitayus (bois laqué doré, Chine, XIIIe-XIVe, Yuan), un Avalokiteshvara, « le grand compatissant », (sino-tibétain, XVIIe siècle), ou encore des grands motifs de la sculpture indienne. Hervé du Peuty et Mike Winter-Rousset, de la Compagnie de la Chine et des Indes, développent le thème du visage, de l’Inde à la Chine, du Gandhara à la Thaïlande. Le regard de la statue permet d’identifier l’univers spirituel qui fait face au visiteur : s’il est dirigé vers le bas, cela signifie la compassion bouddhique, s’il est droit et franc, cette divinité hindouiste (sculpture khmer, Xe siècle) n’a aucun intérêt pour le mortel que vous êtes. L’influence grecque de l’art du Gandhara se retrouve dans la tête de bodhisattva (IIe-IVe siècle), et la personnalisation de l’iconographie thaïlandaise avec un bouddha en bois (XVIe), admirable de finesse. Tout aussi original est le porte-pinceau en porcelaine polychrome de type kinran-de (XVIe siècle) présenté chez Valérie Levesque. Ce type de pièces, que l’on retrouve dans les musées japonais ou proche-orientaux (trente sont conservés au Musée Topkapi à Istanbul) étaient réalisées pour l’exportation. Bien évidemment, sur le marché, cet objet est aujourd’hui unique. La production de porcelaines chinoises spécifique à l’exportation est représentée par Bertrand de Lavergne, autour du vase « bleu blanc » en forme de double gourde (Ming, vers 1580). Parmi les tabatières qui font sa fierté, notons celle, curieuse, en agate dite cacahouète (XIXe siècle), ou encore ce bol à punch décoré d’une parade militaire certainement impériale, motif absent du répertoire chinois. Toutes ces céramiques n’intéressent pas le marché chinois, et ne touchent que les collectionneurs européens. Les objets commencent à être difficiles à trouver, ce qui fait grimper les prix. Même cas de figure pour Antoine Lebel, qui a réuni des théières en porcelaine de la Compagnie des Indes. L’art du thé est introduit en Europe au XVIIe siècle, et l’évolution des formes commence dès le XVIIIe en fonction des commandes des Européens passées en Chine. La galerie Au Vieux Chinois présente des « Baby Boys », sculptures votives d’époque Yuan-Ming (XIVe siècle). Ces enfants, en stuc polychrome, exhibant naturellement leur génitalité, étaient placés dans la chambre à coucher, afin de favoriser la naissance d’un garçon. « Rien de comparable n’est apparu sur le marché depuis dix ans », affirme Marc Higonnet. Michel Cardosi célèbre l’anniversaire des soixante-quinze ans de la galerie C. T. Loo, en rendant hommage à son fondateur, Ching-Tsai Loo. La pagode exhibe une paire de brûle-parfums en émaux cloisonnés de style « archaïsant », caractéristique de l’ère Qianlong (1736-1796).
Esprit taoïste
Dans un univers lié à la méditation, la galerie Luohan dirigée par Laurent Colson propose ses « pierres de lettrés ». Elles rappellent ce que la nature a de plus élevé – le cosmos –, et réclament une appréhension spontanée. La datation de ces pierres est possible en se référant à l’âge de la terre. Les critères de valeur sont la forme, la couleur (du noir au blanc), la texture et les ouvertures. L’intervention de l’homme est infime, il la choisit dans la nature et la place sur un socle. Le même esprit taoïste règne sur les « objets racines » de Sylvie Captier (galerie Bernard Captier). Ces œuvres de la nature ne sont pas encore l’objet de spéculations. La galerie Tanakaya présente pour la première fois en France l’artiste japonais Natori Shunsen (1886-1960), considéré comme le meilleur du shin-hanga (nouvelle estampe du XXe siècle). Les acteurs des années 1920 sont portraiturés dans leur rôle, montrant la diversité du kabuki. L’accent est mis sur le regard exprimant la psychologie et les émotions essentiellement dramatiques (colère, peine, tristesse, désarroi), mais aussi humour et attitude coquine. La technique des fonds micacés, du relief, des effets de matière placent Natori Shunsen en digne successeur des maîtres classiques. Pour clore le parcours, Nicole Judet-Brugier décline le mobilier chinois en laque, de la petite armoire de 30 cm de haut (XVIIIe siècle) à celle plus imposante à reflets or, et décors de dragons sur les portes (XVIIe siècle).
Désormais, l’Automne asiatique se déroulera tous les deux ans, en alternance avec la Biennale des arts asiatiques, dont la première édition devrait se tenir pour la première fois à l’automne 2002 au même moment que la Biennale des antiquaires.
Pour tous renseignements : 06 86 99 46 74
- Baby boys, Au Vieux Chinois, 1 rue d’Anjou, 75008 Paris, tél. 01 42 68 09 63, tlj sauf dimanche et lundi, 10h30-18h30.
- Images bouddhiques en bronze doré, jusqu’au 25 novembre, galerie Jacques Barrère S.A., 36 rue Mazarine, 75006 Paris, tél. 01 43 26 57 61, tlj sauf dimanche et lundi, 10h-19h30.
- Bronzes dorés du Tibet, Slim Bouchoucha & Jean Lostalem, Le Louvre des Antiquaires, 2 place du Palais-Royal, 75001 Paris, tél. 01 42 61 57 25, tlj sauf lundi, 11h-19h.
- Le mobilier chinois en laque, A. Brugier, 74 rue de Sèvres, 75007 Paris, tél. 01 47 34 83 27, tlj sauf samedi et dimanche, 14h-18h30.
- Les objets racines : réalités, rêves et mystères, galerie Bernard Captier, 33 rue de Beaune, 75007 Paris, tél. 01 42 61 00 57, tlj sauf dimanche, 11h-19h, lundi, 14h-19h.
- Visages, sculptures d’Extrême-Orient, Compagnie de la Chine et des Indes, 39 avenue de Friedland, 75008 Paris, tél. 01 42 89 05 45, tlj sauf dimanche, 10h-12h et 14h-18h30.
- Un instant d’éternité : sculptures de l’Inde et d’Extrême-Orient, galerie Katsura, 39 rue du Cherche-Midi, 75006 Paris, tél. 01 42 22 60 65, tlj sauf dimanche et lundi, 10h-19h.
- Porcelaines chinoises d’exportation des époques Ming et Qing et tabatières Qing, Bertrand de Lavergne, Le Louvre des Antiquaires, 2 place du Palais-Royal, 75001 Paris, tél. 01 42 60 21 63, tlj sauf lundi, 11h-19h.
- Théières en porcelaine des Compagnies des Indes, Antoine Lebel, 8 rue de Beaune, 75007 Paris, tél. 01 40 20 02 14, tlj sauf dimanche, 14h-19h.
- Une sélection de quinze œuvres réunies autour d’une très rare porcelaine chinoise kinran-de du XVIe siècle, Valérie Levesque, 3 rue des Saints-Pères, 75006 Paris, 01 42 60 56 57, tlj sauf dimanche, 10h30-13h et 14h30-19h.
- Ching-Tsai Loo… témoignage d’une vie, C. T. Loo, 48 rue de Courcelles, 75008 Paris, tél. 01 45 62 53 15, jeudi et samedi, 14h-18h, et sur rendez-vous.
- Évadé au pays des pierres, galerie Luohan, 21 quai Malaquais, 75006 Paris, tél. 01 40 15 64 00, tlj sauf dimanche, 11h-13h et 14h-19h, lundi, 14h-19h, jeudi jusqu’à 20h30.
- Rituels pour l’éternité, jusqu’au 30 novembre, Oriental Bronzes Ltd. – Christian Deydier, 21 rue du Bac, 75007 Paris, tél. 01 40 20 97 34, tlj sauf dimanche et lundi, 10h-12h30 et 14h-18h30.
- Regards d’acteurs, estampes de Natori Shunsen (1886-1960), Tanakaya, 4 rue Saint-Sulpice, 75006 Paris, tél. 01 43 25 72 91, tlj sauf dimanche et lundi, 13h-19h, samedi, 11h-19h.
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L’automne sera asiatique ou ne sera pas
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°135 du 26 octobre 2001, avec le titre suivant : L’automne sera asiatique ou ne sera pas