Pour les collectionneurs et les professionnels, l’assurance des œuvres est perçue comme un coût, voire un risque supplémentaire (fiscal, etc.). Mais peut-t-on dépasser cette perception ?
PARIS - “L’assurance n’est chère qu’avant le sinistre” : c’est la formule généralement utilisée par les assureurs en guise de réponse à la question de leurs clients ou prospects. Bonne ou mauvaise formule qui oblitère ce que devrait être l’assurance dans une société complexe : le relais financier des solidarités. Les mutuelles ont su utiliser cette notion, alors même que leurs méthodes sont de plus en plus calquées sur celles des compagnies dont elles prétendent se démarquer.
D’où provient le coût d’une assurance : le risque ou le “chargement” ? Le risque, c’est le rapport statistique entre la probabilité et la réalité ; le chargement, c’est le coût de production et de gestion du service d’assurances, des commerciaux (courtiers, agents, etc.) aux statisticiens, administratifs, experts, enfin, des services contentieux dont l’action, quoique légitime, aboutit à convertir l’image solidaire positive de l’assurance en celle du financier toujours présent pour encaisser mais trop souvent absent pour indemniser.
Le “chargement” a donc mauvaise presse. C’est pourtant lui qui concentre les savoir-faire de l’assurance.
Lorsque l’opération d’assurance repose sur des risques très nombreux et bien appréhendés par les statistiques, par exemple l’assurance vie, un chargement excessif n’est pas acceptable. C’est pourtant souvent le cas. Une des explications est que ce type de produits sûrs attire toutes les compagnies. Pour singulariser leur offre dans un environnement concurrentiel très dense, les assureurs vont donc investir lourdement dans la communication et la force de vente. Faute d’apporter un plus significatif (aucune police ne peut garantir au client qu’il vivra plus longtemps), les compagnies mettront en avant les avantages fiscaux et les produits financiers dérivés qu’elles sauront tirer de l’épargne des assurés : en fait, elles vendront les accommodements du fisc ou leur savoir-faire de banquier plus que leurs compétences d’assureur. Et comme les avantages fiscaux et les performances financières sont aléatoires, elles tenteront de s’assurer la fidélité des clients par des actions commerciales insistantes et coûteuses. Presque tout le monde a été “démarché” jusque tard le soir chez soi par des représentants en assurance vie : travail ingrat que les compagnies doivent rémunérer fortement pour mobiliser les vocations. C’est pourquoi, si le souscripteur d’une assurance vie à la mauvaise idée de demander le rachat de son contrat pendant les trois premières années, il s’apercevra avec humeur que la valeur de rachat est à peu près nulle : le “chargement”, c’est-à-dire la commission du vendeur calculée sur les sommes à verser durant toute la durée prévisionnelle de la police (de huit à vingt-cinq ans) ainsi que les frais administratifs de mise en place de la garantie, auront absorbé la totalité des trois premières années de primes.
La situation est différente dans l’assurance de dommages, et singulièrement dans l’assurance d’œuvres d’art. En effet, l’outil statistique ne suffit pas à rendre compte de risques beaucoup moins nombreux et peu homogènes : il y a peu à voir entre le contenu “objets précieux” d’un appartement familial et l’accumulation dans des bureaux du World Trade Center d’une collection de bronzes de plus de 100 millions d’euros.
Pour compléter les données statistiques, l’assureur d’œuvres d’art va donc déployer un savoir-faire élaboré de reconnaissance du risque – localisation, protection des lieux, technologies de contrôle d’accès et de surveillance, mode de conservation des biens en fonction de leur caractéristique, etc. – qui constitue une réelle valeur ajoutée. Il va aussi encourager à des mesures de préventions pour décourager le vol et en cas de sinistre augmenter les chances de récupération (lire l’article ci-contre, en haut). Dans le cas de risques professionnels (galeries, déplacements d’œuvres, expositions temporaires), il sera le conseil de sécurité des manifestations.
Dans ce sens, la prime d’assurance sera plus que la mutualisation d’un risque : la valeur ajoutée tirée de l’expérience de spécialiste.
Cela n’empêche pas de discuter du chargement, mais cela explique que dans le domaine de l’œuvre d’art, l’assurance est une valeur ajoutée.
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L’assurance est-elle une charge ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°151 du 14 juin 2002, avec le titre suivant : L’assurance est-elle une charge ?