Durant la Bruneaf, à Bruxelles, l’exposition des chefs-d’œuvre de la Nouvelle-Guinée dans la collection
du Musée royal de l’Afrique centrale remet à l’honneur cette région océanienne du monde.
Pour la première fois cette année, la Bruneaf, importante foire consacrée aux arts non européens, met à l’honneur à Bruxelles l’art océanien, en lui consacrant une exposition exceptionnelle, en collaboration avec le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC). Statues, masques ou appuie-tête témoignent de la vitalité et de la diversité du patrimoine de cette île, la plus grande d’Océanie, où l’on dénombre plus de 1 000 langues et cultures, et pour lequel les enchères peuvent désormais dépasser le million d’euros. Si l’art océanien de Nouvelle-Guinée reste encore souvent, pour les collectionneurs, dans l’ombre des arts africains, on trouve des traces des objets du Pacifique dans les cabinets royaux dès la Renaissance. Mais on les découvre en Europe surtout au XIXe siècle, avec la colonisation. Missionnaires, militaires, fonctionnaires coloniaux et marchands rapportent en effet de leurs voyages masques, armes, « fétiches », regardés alors comme des objets scientifiques. « Des catalogues, comme ceux du marchand anglais William Downing Webster, nous sont parvenus. Il est intéressant de noter l’évolution des goûts : à l’époque, les pièces les plus prisées étaient les crânes, les têtes cérémonielles et les armes, sagaies ou flèches », observe le galeriste Julien Flak. Aujourd’hui, ce sont les représentations humaines, statues ou masques qui suscitent le plus de convoitise. Les avant-gardes, qui ont bouleversé notre regard sur le corps humain, sont passées par là. Les cubistes, fascinés par la présence et les formes taillées par les sculpteurs d’Afrique noire et d’Océanie, contribuent en effet fortement à l’intérêt porté aux objets non européens. Avant que les surréalistes ne mettent en avant l’art océanien en particulier, exposé en 1936 à la Galerie Charles Ratton. Parallèlement, les connaissances et les collectes progressent – même si, au fil du XXe siècle, les objets ne sont plus fabriqués uniquement pour leur fonction rituelle, mais aussi pour le marché occidental. Aujourd’hui, celui-ci, essentiellement européen, américain et australien, est bien établi. L’an dernier, une figure de faîtage cérémonielle biwat de Papouasie-Nouvelle-Guinée, issue de la collection Jolika des Fine Arts Museums de San Francisco, a atteint, chez Christie’s la somme de 2,5 millions d’euros.
Un masque pour danser
Ce masque rituel du début du XXe siècle provient de la région du Moyen-Sepik, habité notamment par le peuple des rivières Iatmul. Par ses formes allongées, son caractère zoomorphique, il est caractéristique de l’art de cette région, l’un des plus anciens de Nouvelle-Guinée, où les sculptures figuratives sont rares. Ces masques étaient portés dans des danses par paires, pour invoquer la protection des ancêtres, avec des costumes colorés, faits de plumes et
de feuilles, couvrant les danseurs.
Masque Iatmul, Moyen-Sepik, vers 1900. Prix : 25 000 €, Galerie Kevin Conru, Bruxelles.
L’art du bouclier
Si masques et sculptures ont aujourd’hui le vent en poupe, les objets non figuratifs, de la guerre ou de la vie quotidienne, semblent de plus en plus prisés. « Ils ont été délaissés quand la statuaire était abordable, ce qui est de moins en moins le cas », explique le galeriste Patrick Mestdagh, spécialisé dans les arts premiers non figuratifs. Ainsi, un bouclier se négocie entre 1 500 et 25 000 €. Ce bouclier d’esquive du XIXe siècle, sculpté en bois et vannerie, est caractéristique par sa légèreté du Motu, sur les rives de la Nouvelle-Guinée, par opposition aux imposants boucliers du centre de l’île.
Bouclier Motu, Papouasie-Nouvelle-Guinée. Hauteur : 81 cm. Provenance : Malcom Davidson, Melbourne (Photo Paul Louis). Prix : environ 10 000 €, Galerie Patrick et Ondine Mestdagh, Bruxelles.
L’esprit papou
Une figure d’esprit dansant, au corps longiligne. Cette pièce, exceptionnelle par sa taille et sa finesse, est caractéristique des formes allongées et colorées du Golfe Papou. Lorsqu’un jeune homme, au cours de son initiation, fait un rêve dans lequel un esprit s’adresse à lui, il va dans la mangrove à la recherche de la forme qui incarne cet esprit. Puis il la sculpte et la peint. Cette racine, à peine sculptée, date du milieu du XXe siècle. « Une région longtemps restée isolée, si bien que des objets rituels peuvent encore y être collectés dans les années 1960 », observe Julien Flak.
Grande figure d’esprit Imunu, Golfe Papou, bois sculpté et pigments, milieu du XXe siècle. Ex-collection privée, La Haye, Pays-Bas. Hauteur : 144 cm. Prix : sur demande, en général entre 10 000 et 25 000 € pour une pièce comparable. Galerie Julien Flak, Paris.
Figure d’ancêtre
Trapue, agressive, puissamment sculptée à la pierre, cette figure d’ancêtre typique de la région du Bas-Sepik s’oppose par ses formes à l’esthétique aérienne du Golfe Papou. Comme tous les objets voués au culte des ancêtres, protecteurs du clan, elle était conservée dans une « maison des hommes », au centre du village. Elle est sculptée dans un bouchon de flûte, qui empêchait les esprits de s’échapper de l’instrument quand on n’en jouait pas. Il fut collecté par l’un des premiers marchands d’art océanien, William Downing Webster, avant d’être acheté par le général Pitt Rivers, célèbre collectionneur d’art océanien.
Figure d’ancêtre, Bas-Sepik, aire Murik, Papouasie-Nouvelle-Guinée, bois sculpté et fibres. Hauteur : 36 cm. XIXe siècle. Ancienne collection W. D. Webster avant 1899. Acquis par le général Pitt Rivers en mai 1899. Ex-collection Rosenthal, Paris. Prix : 12 000 €, Galerie Julien Flak, Paris.
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L’art de Nouvelle-Guinée
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Abonnez-vous dès 1 €Du 4 au 8 juin 2014, quartier du Sablon, Bruxelles (Belgique). Exposition « Masterpieces », du 4 au 15 juin 2014, à l’Ancienne Nonciature, 7, rue des Sablons
www.bruneaf.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : L’art de Nouvelle-Guinée