PARIS - « Je peins des tableaux, pas des paysages », écrit Per Kirkeby (né en 1938 à Copenhague) dans Manuel (1), un recueil de ses textes publié à l’occasion de la manifestation « Visions du Nord » présentée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris de février à mai 1998.
Il le répète, disant détester les termes de « paysages » et de « coloriste » visant à qualifier son travail, à l’occasion de cette exposition à la Galerie Vidal-Saint Phalle, à Paris (la cinquième en douze ans), composée d’œuvres datées de 2010, 2011, 2012.
Mille-feuilles verticaux
Pas de paysages donc : c’est pourtant le premier mot qui vient à l’esprit de celui qui regarde ses toiles. Cela dit, à les regarder mieux, non pas de plus près mais de plus loin, son point de vue est compréhensible. Effectivement Kirkeby ne peint pas de vues panoramiques, pas de vastes perspectives, pas de ciels avec horizon, pas de belles étendues champêtres, pas de grands angles. Il a plutôt tendance à évoquer des sous-bois denses, des taillis feuillus, des chemins bouchés, des grottes et des crevasses. Et malgré ses dires, on peut indéniablement distinguer ici une clairière, là des arbres, ailleurs un lac, un tronc, des fleurs, un bout de glacier, de la neige boueuse. Toujours à la lisière entre figuration et abstraction, ses œuvres prennent en effet beaucoup plus la nature comme prétexte de peinture que pour jouer la carte postale.Pour brouiller les pistes, il pousse même quelquefois le pinceau jusqu’à la nature… morte. Une autre voie pour suspendre le temps. En témoigne la présence, dans Sans titre (2010), d’un bougeoir, d’une coupe, d’une carafe et d’un verre. Car tout ce qui peut permettre la peinture – son vrai sujet, au fond – est susceptible de rentrer dans sa palette.
La nature a horreur du vide, dit-on, et Kirkeby a eu une formation de géologue. C’est sans doute la raison pour laquelle il sature l’espace et procède par couches successives. Ses toiles ressemblent ainsi à des mille-feuilles verticaux, à des palimpsestes. Touches, taches, traits et traces permettent de composer des espaces, disposer des pans chromatiques, superposer des rideaux de couleurs derrière lesquels se devinent des arrière-plans et des appels d’air. Il s’en dégage une réelle fraîcheur et une belle énergie et ce d’autant plus que Kirkeby est revenu dans ses œuvres récentes à ses couleurs de jeunesse, plus crues et acides. Il a même retrouvé un pot de rouge géranium qu’il utilisait autrefois. Une façon de rappeler qu’il est toujours bien « vert », ce qui, compte tenu de son sujet, est plutôt une bonne chose.
Sa cote aussi est bien vivace. En toute logique d’ailleurs pour un artiste présent sur le marché international. Le plus petit dessin (30 x 40 cm) atteint ici 6 000 euros et la plus grande peinture (2 m x 3 m), 160 000 euros. À signaler que certaines de ses œuvres sont visibles dans l’exposition « La collection Michael Werner » actuellement présentée (jusqu’au 3 mars 2013) au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.
(1) éd. Art Books Intl Ltd.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La vraie nature de Kirkeby
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 8 décembre, Galerie Vidal-Saint Phalle, 10, rue du Trésor, 75004 Paris, 01 42 76 06 05, du mardi au samedi 14h-19h.
- Nombre d’œuvres : 15, dont 5 sur papier
- Prix : entre 6 000 et 160 000 €
Voir la fiche de l'exposition : Per Kirkeby : Œuvres récentes
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°379 du 16 novembre 2012, avec le titre suivant : La vraie nature de Kirkeby