La vente Arp en retrait

Des doutes sur des dates ont refroidi les acheteurs

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2003 - 704 mots

La vente Arp, succession de la nièce de l’artiste, n’a pas autant brillé qu’on l’avait espéré. Si les œuvres de Sophie Taeuber-Arp ont véritablement été révélées et consacrées par les musées et les collectionneurs, la date de certains reliefs peints de Jean Arp prêtait à confusion.

PARIS - Le 12 juin à 20 heures à Drouot, la vente de la succession Ruth Tillard-Arp, nièce de Jean Arp, était particulièrement attendue. Estimée 7 à 8 millions d’euros, orchestrée par Cyrille Cohen, le “marteau métronome” de la vente Breton, et annoncée “sans prix de réserve”, elle a totalisé 10,35 millions d’euros, mais a tout de même enregistré 7 lots ravalés sur les 95 présentés. Malgré un catalogue très documenté, le public a été étonné de relever des “rectificatifs importants” portant sur la datation de plusieurs lots historiques d’Arp juste avant le lancement des enchères. Une surprise de dernière minute qui a plombé les pièces concernées. Pour Tête-Nez, un relief en carton peint, titré, signé et daté de 1925-1926 d’après une étiquette au dos, il a été précisé que l’œuvre datait en fait de 1928. Les enchères pour ce lot se sont arrêtées à 154 000 euros, contre une estimation de 200 000 à 300 000 euros. Cela a été davantage préjudiciable au relief Fleur-marteau, Formes terrestres dont la date – 1916 – a finalement été annoncée comme année de conception de l’œuvre, son exécution se révélant plus tardive : le lot, estimé 600 000 à 800 000 euros et introduit à l’encan pour 250 000 euros, a été retiré faute d’enchères. La même incertitude quant à la date de réalisation d’un autre relief, Torse et nombril, datant de 1926 pour sa conception, lui a valu une décote significative. Il a été adjugé 78 000 euros alors qu’il était estimé 120 000 minimum. Les acheteurs circonspects ont porté leur dévolu sur d’autres reliefs comme Bouche, de 1926, parti à 479 000 euros, soit plus du double de son estimation haute, ou encore Paolo et Francesca, variante 1 de 1919, adjugé 266 000 euros, deux fois son prix. La plus grande déception de la vente est venue de l’un des lots phares : une rarissime Composition statique de 1915, de sensibilité constructiviste, estimée 600 000 à 800 000 euros. Un doute subsistait sur sa date même si aucun rectificatif n’avait été communiqué. Résultat : pas un doigt ne s’est levé à 200 000 euros, le prix de départ des enchères.

Meilleur succès pour Taueber-Arp
Les bronzes de l’artiste, moins prisés que ces reliefs historiques, n’ont pas beaucoup décollé. Quelques pièces ont cependant tiré leur épingle du jeu à l’exemple de l’une des sculptures les plus célèbres d’Arp, Idole, un bronze de 1950 au nombril proéminent, et de Feuille sur cristal, une sculpture de 1954, emportées respectivement pour 378 000 et 142 700 euros (deux fois leur montant estimé).
Jean Arp aura sans doute été moins à l’honneur que son épouse. Le Centre Pompidou a préempté les lots 6 et 7, une importante Tête Dada de 1920 en bois peinte par Sophie Taeuber-Arp, pour 1 128 000 euros (deux fois son estimation haute), pour laquelle de nombreux enchérisseurs avaient bataillé, ainsi qu’une Composition Dada de 1920, transposition orthogonale sur toile de la précédente tête, pour 389 000 euros. Du coup, les acheteurs y sont allés de plus belle pour le lot 34, une autre Tête Dada de 1920 de Taeuber-Arp. Cette œuvre majeure de l’artiste a été emportée au prix de 1 352 000 euros, plus de trois fois la somme escomptée et un record pour l’artiste. Une Coupe Dada de 1916 de Sophie Taeuber-Arp a par ailleurs été acquise pour 344 300 euros par les musées de la Ville de Strasbourg, qui ont préempté la pièce la plus importante de la vente, Grande tête – petit torse, un relief de 1923 signé Jean Arp, au prix de 1 352 000 euros.
On reste loin des enchères de la vente Breton, qui avait porté un relief en bois peint de 1927 par Arp adjugé 2,8 millions d’euros au rang de la meilleure enchère pour les tableaux modernes. Avec cet ensemble d’une provenance prestigieuse (ex-collection de François Arp, frère de l’artiste), d’aucuns avaient pourtant caressé le rêve de frôler ces prix.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°174 du 27 juin 2003, avec le titre suivant : La vente Arp en retrait

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