Droit

La taxe forfaitaire pour la vente d’objets précieux devient applicable hors d’Europe

Par Éléonore Marcilhac, avocate à la cour · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2021 - 672 mots

L’application de la taxe forfaitaire aux seules cessions d’objets précieux situés dans un État membre de l’Union européenne est contraire à la Constitution.

Paris. Par une décision du 27 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution les dispositions du code général des impôts qui retenaient l’application de la taxe forfaitaire aux seules ventes d’objets précieux réalisées en France et sur le territoire de l’Union européenne (UE), à l’exclusion de celles réalisées dans un pays tiers.

Selon l’article 150 VI du code précité, en effet, sous réserve des dispositions propres aux professionnels, deux types d’opérations sont en principe assujetties à la taxe forfaitaire, dispensant ainsi le contribuable d’acquitter l’imposition de droit commun sur les plus-values mobilières. Il s’agit, d’une part, des cessions à titre onéreux réalisées en France ou dans l’UE de métaux précieux, de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité et, d’autre part, de l’exportation définitive de ces biens hors du territoire de l’Union.

Ainsi, selon la nature du bien, une taxe forfaitaire de 6 % ou 11 % calculée sur le prix de vente est acquittée par le particulier fiscalement domicilié en France lors de la vente d’une œuvre en France ou dans un pays de l’Union, à moins qu’il ait choisi d’opter pour le régime de droit commun de l’imposition sur la plus-value mobilière. En revanche, la situation diffère lorsque la vente de ce tableau est située dans un pays extérieur à l’UE car, dans ce cas, le particulier est assujetti de plein droit à l’imposition sur la plus-value, sans possibilité d’opter pour le régime de la taxe forfaitaire.

C’est cette différence de traitement entre contribuables qui a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité portée devant le Conseil constitutionnel par le Conseil d’État, sur saisine d’un particulier.

Pour le requérant, en effet, l’exclusion du champ de la taxe forfaitaire est contraire aux principes d’égalité des contribuables devant la loi et devant les charges publiques, principes issus de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. De même en est-il de l’application de la taxe forfaitaire aux exportations définitives hors de l’UE dont les dispositions litigieuses assimileraient selon lui l’exportation à une vente. Sur ce dernier point, le grief a été écarté par le Conseil constitutionnel qui a considéré, au regard des travaux préparatoires de la loi ayant instauré la taxe forfaitaire en 1976, que le législateur avait voulu « prévenir le risque que le bien soit soustrait, par l’exportation, à l’imposition forfaitaire en cas de cession ultérieure » et qu’il avait « seulement choisi d’avancer le moment où la capacité contributive que confère la détention du bien est imposée au moment où ce bien quitte définitivement le territoire de l’Union européenne ».

En revanche, les « sages » ont retenu qu’il existait incontestablement une différence de traitement avec les contribuables cédant des biens précieux à titre onéreux en dehors de l’Union. S’appuyant sur les mêmes travaux préparatoires, ils ont estimé que pour le législateur la taxe forfaitaire a « pour objet d’offrir aux contribuables en cause une modalité d’imposition du revenu plus simple et plus adaptée à la nature du bien cédé que celle du régime général d’imposition des plus-values », car ils « ne sont pas toujours en mesure d’apporter la preuve de la date et de la valeur initiale d’acquisition de ces biens » nécessaires dans le régime d’imposition de droit commun. Aussi, « au regard de cet objet, il n’y a pas de différence de situation entre les contribuables imposés en France selon que la cession est réalisée au sein de l’Union européenne ou en dehors ».

En conséquence, pour le Conseil constitutionnel, cette différence de traitement – non justifiée, de surcroît, par un motif d’intérêt général – est contraire au principe d’égalité des contribuables devant la loi et les charges publiques. Raison pour laquelle les dispositions du paragraphe II de l’article 150 VI du code général des impôts ont été « déclarées contraires à la Constitution ». D’application immédiate depuis le 28 novembre 2020, cette décision retient un même régime d’imposition pour les cessions d’objets précieux à titre onéreux, réalisées dans ou en dehors de l’Union.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : La taxe forfaitaire pour la vente d’objets précieux devient APPLICABLE hors d’Europe

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