New York

La suprématie Picasso

Le Journal des Arts

Le 26 mai 2006 - 488 mots

En mai, sur le marché de l’art moderne et impressionniste, les Russes ont fait la loi.

NEW YORK - Une nouvelle révolution russe est à l’œuvre. Le 3 mai, un enchérisseur novice venu de l’ex-URSS a créé un séisme dans le marché de l’art et a laissé groggy des collectionneurs américains parmi les plus importants du monde en emportant pour 95,22 millions de dollars (75,54 millions d’euros) Dora Maar au chat de Picasso. Quelques-uns des plus grands collectionneurs sont restés au tapis, tels Leslie Wexner, Steve Wynn et deux autres enchérisseurs, très probablement Paul Allen et Sammy Ofer, tous désireux d’acquérir le portrait emblématique de la muse et maîtresse de l’artiste. Ce tableau a atteint la deuxième enchère la plus élevée jamais obtenue pour une œuvre d’art.
D’après ceux qui étaient assis près de cet enchérisseur, il avait « l’air russe » ; le New York Post l’a ensuite identifié comme étant Roustam Tariko, milliardaire moscovite de 44 ans dont la fortune provient d’activités bancaires et du commerce de vodka. Mais, selon une source proche du marché de l’art new-yorkais recueillie par le Journal des Arts, l’acquéreur serait en réalité le magnat de l’acier Alexander Abramov, 45 ans, également moscovite. Après que M. Tariko et M. Abramov eurent démenti, le New York Post a évoqué Roman Abramovitch, un milliardaire russe basé à Londres. La vérité, c’est que personne ne sait vraiment qui a acheté le Picasso.

La vente de cette œuvre a représenté le sommet d’une succession de vacations soulignant la vigueur actuelle du marché de l’art moderne et impressionniste, quand les lots sont de qualité. Ceux-ci ne manquent pas, car les propriétaires jugent la période favorable à la vente. Avec le record du portrait de Dora Maar, Picasso continue de dominer les sommets du marché de l’art, avec quatre tableaux parmi les dix œuvres d’art ayant atteint les prix les plus élevés et dix tableaux parmi les vingt œuvres d’art les plus chères du monde. De plus, ses œuvres sont abondantes sur le marché : durant cette seule semaine, les ventes en soirée en ont proposé dix-huit et celles en matinée cent quarante
(en comptant les estampes).

D’après James Roundell, associé de Dickenson Roundell, « en laissant de côté les fleurons, on a vu les œuvres de moindre qualité se comporter mieux que celles de première qualité. Peut-être parce que les maisons de ventes ont dû annoncer des estimations plus agressives pour les lots de premier ordre afin de décider les vendeurs à les leur confier. » Sotheby’s l’a confirmé : « Nous avons vu plus de surprises pour les petits lots que pour les gros. »

CHRISTIE’S New York, mardi 2 mai - Total : 180 280 000 dollars (142 815 270 euros), 86 % en lots, 95 % en valeur SOTHEBY’S New York, mercredi 3 mai - Total : 207 564 800 dollars (164 679 075 euros), 96,9 % en lots, 87,3 % en valeur

Christie’s « C’est un marché soutenu, mais qui ne s’emballe pas jusqu’à devenir incontrôlable », commentait Christopher Burge, l’auctioneer vedette de Christie’s, après la vente du 2 mai. Son résultat de 180,28 millions de dollars (142,82 millions d’euros) est le plus élevé de cette maison depuis mai 1990. Les vacations en matinée ont aussi été soutenues, avec des taux de vente approchant 90 %. Le bilan total de Christie’s pour la semaine dépasse 208,7 millions. Alors que la maison avait concentré sa publicité sur le Van Gogh de 1890, L’Arlésienne, Madame Ginoux, ce tableau a laissé la salle assez froide, et elle ne s’est vraiment animée que plus tard dans la soirée pour Le Repos de Picasso. Certains lots ont attiré des enchérisseurs russes, mais aucun ne l’a emporté. Un nouvel acheteur de premier plan s’est révélé, en achetant des Nymphéas de Monet pour 11,2 millions de dollars. Sotheby’s Sotheby’s a obtenu le gros lot en vendant son Picasso vedette à un acheteur russe inexpérimenté. L’enchérisseur enthousiaste a dépensé 102,7 millions de dollars en œuvres d’art en moins d’une heure. Il a fourni plus de la moitié du résultat global de la vente, 207,57 millions de dollars (164,68 millions d’euros). Sotheby’s a engrangé 248,3 millions pour l’ensemble de ses ventes de la semaine, y compris la vacation en matinée, qui a rapporté 40,7 millions avec de vigoureuses enchères russes et asiatiques. Sotheby’s a récupéré les nombreuses garanties accordées sur des lots de la vacation en soirée, et dont le total était estimé à 80 millions. Un seul lot garanti, un portrait par Berthe Morisot, n’a pas trouvé acquéreur.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : La suprématie Picasso

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque