Collectionner - Dans les records de ventes atteints depuis ces vingt dernières années, Gustave Le Gray est le seul, avec La Grande Vague cédée en 1999 pour 507 500 livres (1 million d’euros aujourd’hui), à côtoyer Andreas Gursky, Cindy Sherman ou Edward Steichen sur le marché de la photographie.
Aucun photographe contemporain français, ou vivant en France, n’est encore rentré dans ce top 10, pas plus qu’aucun d’entre eux n’affiche des prix rivalisant avec ceux de Jeff Wall ou de Thomas Struth. Un Coquelicot de Denis Brihat réalisé en 1981 est ainsi loin d’atteindre les prix d’un Poppy signé Irving Penn à valeur pourtant égale, tant du point de vue esthétique que du tirage. Comptez 15 000 euros pour le premier contre 125 000 dollars (114 025 euros) pour un Iceland Poppy réalisé par Penn en 2006 (Christie’s le 2 avril 2019).
Cette situation n’est pas propre à la photographie. On la retrouve dans tous les domaines des arts plastiques. « C’est le marché privé qui fait qu’il y a une demande plus intense sur tel ou tel artiste. Et, plus précisément, un ensemble de collectionneurs ou de fondations influentes », explique la galeriste Nathalie Obadia, au premier rang desquels David Geffen, Eli Broad ou François Pinault. On peut ainsi être très présents dans les meilleurs musées anglo-saxons comme Valérie Belin, Luc Delahaye, Stéphane Couturier ou Sophie Ristelhueber, mais ne pas bénéficier de la même cote que Cindy Sherman, Jeff Wall, Andreas Gursky ou Thomas Struth.
« Le peu de visibilité donnée à la scène photographique française par les institutions parisiennes est un autre facteur expliquant cette différence de prix. La grande visibilité que les musées américains ou allemands donnent à leur scène nationale a joué et joue sur le niveau des prix », note la galeriste Suzanne Leclerc. Enfin, aucune galerie française ne rivalise économiquement avec les majors, essentiellement américains, du marché, du type Gagosian ou Howard Greenberg pour la catégorie photo stricto sensu. Chez Gagosian, où l’on relève Andreas Gursky, Jeff Wall, Taryn Simon et Sally Mann, on ne compte aucun photographe français. Être représenté par une galerie américaine ou allemande référencée assoie et développe indéniablement une cote. C’est le cas pour Sarah Moon représentée en France par Camera Obscura et aux États-Unis par Howard Greenberg.
1_Valérie Belin Cet été, des images de la série Lady Pastel ont été exposées aux Rencontres d’Arles. Parmi les photographes de la scène française, l’œuvre de Valérie Belin (1964) est sans aucun doute celle qui bénéficie en France et à l’international de l’une des plus belles reconnaissances. L’artiste est également une des rares que l’on retrouve à la fois à la Fiac et à Paris Photo, mais aussi à Art Basel et à Frieze. Collectionné et exposé régulièrement dans des institutions influentes, son travail bénéficie d’un intérêt constant et voit régulièrement de nouveaux collectionneurs ou de nouveaux musées s’y intéresser.
15 000 €
2_Denis Brihat Au début des années 1960, le photographe né en 1929 est un des rares en France à vivre de ses tirages et à ne les concevoir qu’en édition limitée, voire unique. L’intérêt porté par de jeunes conservateurs de la photo et l’édition remarquée, l’an dernier, d’une monographie aux éditions du Bec en l’Air remettent en lumière le talent de cette figure majeure de l’histoire de la photographie française, dont la dernière exposition monographique dans une institution parisienne remonte à 1965, au Musée des arts décoratifs. Les expositions régulières à la galerie In Camera (jusqu’au 19 octobre) et l’exposition de la Galerie des donateurs de la Bibliothèque nationale de France en 2019 réparent cette négligence.
De 15 000 à 60 000 €
3_Mohamed Bourouissa Ses photographies grand format de rassemblements de jeunes de banlieue mis en scène, en référence à l’histoire de la peinture, ont été le début, il y a douze ans, d’une suite d’expositions en solo, de prix et de résidences, en France comme aux États-Unis. Mohamed Bourouissa (1978), « par rapport à certains artistes de sa génération, n’a rien à envier en termes de prix à ses collègues anglo-saxons ou allemands », estime le galeriste Kamel Mennour, qui le représente et qui a choisi de ne plus vendre certaines œuvres de Périphérique pour les réserver à de grands musées.
16 000 €
4_Patrick Tosani La question de l’espace et de l’échelle est au centre du travail de cet autre photographe majeur, dont les prix des œuvres sont encore très en deçà de ce qu’ils seraient en Allemagne ou aux États-Unis si Patrick Tosani (1954) vivait dans ces pays. Sa dernière rétrospective remonte à 2011, à la Mep. Contrairement à Valérie Belin, il n’a pas encore bénéficié d’une exposition au Centre Pompidou. Le série Cuillères, dont est issue J, sera néanmoins présentée à partir d’octobre à L’Orangerie, en contrepoint des Nymphéas de Monet. On la retrouvera aussi à partir du 20 octobre à Romainville, dans l’exposition inaugurale des nouveaux espaces de la galerie In Situ Fabienne Leclerc qui le représente.
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La scène photo française
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : La scène photo française