Les premières statistiques de la saison 1997-1998 montrent une croissance soutenue, puisque le produit des ventes retenues (tableaux et œuvres graphiques – sauf gravures et estampes – sculptures et miniatures), selon la monnaie de référence, progresse de 20 % en dollars, de 19 % en livres sterling ou de 30 % en francs français. Les États-Unis, avec environ 50 % du total du marché mondial, et le Royaume-Uni avec 28,74 % continuent de caracoler en tête, les États-Unis gagnant cependant 2,5 points de parts de marché, la Grande-Bretagne se contentant de 0,25 %. La France maintient sa part, celle-ci passant de 5,63 à 5,70 %. Pour ces trois pays, la croissance par rapport à l’exercice précédent est forte, les États-Unis devançant cependant largement ( 50 %), la France et le Royaume-Uni ( 30 %).
PARIS. Selon les statistiques d’Art Sales Index, le marché mondial est passé de 11,25 milliards de francs en 1996-1997 à 14,62 milliards en 1997-1998, soit près de 30 % de hausse. En dollars, la progression de 2 à 2,4 milliards est de 20,27 %, et de 19,13 % en livres sterling, de 1,23 à 1,47 milliard. Rappelons que ces taux de croissance pour l’exercice 1996-1997 avaient été de 27,36 % en francs, 8,42 % en livres et 15,37 % en dollars. Pour mettre en perspective ces chiffres, il faut tenir compte des taux de change : d’une année à l’autre, la livre et le dollar ont navigué de concert (1 £ pour 1,65 $ en 97/98 contre 1 £ pour 1,63 $ en 96/97), se valorisant de 9 et 8 % par rapport au franc français. En valeur absolue en francs français, les principaux marchés ont été en ordre décroissant les États-Unis (7,3 milliards), le Royaume-Uni (4,2 milliards), la France (0,83 milliard), l’Allemagne (0,4 milliard), l’Italie (0,26 milliard), les Pays-Bas (0,25 milliard), la Suisse (0,23 milliard), la Suède (0,18 milliard) et l’Autriche (0,13 milliard). Le classement de l’année dernière n’a été modifié que par l’Italie, qui devance la Suisse et les Pays-Bas à la faveur d’une croissance de 19 %, contre seulement 10 et 8 % pour ses collègues européens. Le record de croissance cette année revient à la Norvège ( 418 % en chiffre d’affaires, 108 % en quantité et 149 % en prix moyen). La Finlande, avec 85 % en chiffre d’affaires et 68 % en niveau de prix, attire également l’attention sur les Pays scandinaves, malgré un essoufflement de la Suède ( 5 % après 10 %).
La hausse par les prix s’est étendue au marché français
Comme durant l’exercice précédent, la hausse des produits est d’abord due à la progression des prix. Sur l’ensemble du marché, les quantités vendues ont augmenté de 7,6 % et les prix moyens de 17 %. Sur les calculs en francs français, les prix ont augmenté de 32 % aux États-Unis, de 15,75 % au Royaume-Uni (après 21 % l’an dernier), et de 20 % en France (après 1 %). Les prix moyens sont passés à 56 900 francs à Paris, 113 200 francs à Londres et 316 300 francs à New York. La tendance à la hausse des prix, après avoir profité aux Américains et aux Britanniques, bénéficie désormais également au marché français. La progression des quantités vendues ( 7,60 %) est plus nette que l’année précédente ( 3,80 %). Les œuvres commencent à ressortir, mais prudemment.
Une comparaison de la situation américaine et britannique, compte tenu des craintes de délocalisation vers New York, montre que si les États-Unis écrasent le marché de leur richesse, c’est d’abord par l’effet prix, puisque les quantités vendues ne progressent que de 4 %, contre 13 % au Royaume-Uni et 8 % en France. Peut-être ne s’agit-il que d’arbitrage des grandes maisons de vente et d’une hausse des prix plus vive sur les œuvres impressionnistes et modernes, plus souvent proposées à New York. Si Les États-Unis ont encore grignoté deux points du marché mondial, ce n’est en tout cas pas sur le marché britannique.
L’Europe continentale n’a pas encore retrouvé la confiance
À l’exception de la France, de la Belgique ( 45,6 % en chiffre d’affaires, essentiellement dû à l’accroissement du nombre de lots vendus) et de marchés européens marginaux (Irlande, Finlande), tous les États européens (y compris la Suisse) enregistrent une érosion de leur part de marché du fait d’une croissance des produits inférieurs à la progression globale du marché. Ainsi l’Allemagne, malgré une hausse du chiffre d’affaires de 11,50 % (après - 7 %) voit sa part du marché passer de 3,29 à 2,82 % ; l’Italie, malgré l’amélioration qui permet de dépasser en chiffres les Pays-Bas et la Suisse, passe de 1,97 à 1,81 % du marché ; les Pays-Bas de 2,05 à 1,71 % ; la Suède de 1,50 à 1,21 % ; la Suisse de 1,85 à 1,58 %. Dans la plupart des cas, sauf l’Italie, la dégradation relative tient plus au niveau des prix qu’aux quantités vendues. Ainsi, les prix allemands n’augmentent que de 12 % (sur un volume stagnant), ceux des Pays-Bas baissent de 7 %, en Espagne de 4 %, et en Suède de 2 %. Le phénomène peut parfois s’expliquer par un ajustement ou une pause “technique” : tel est le cas de l’Autriche avec - 10,7 % en prix et - 21 % en volume, suivant un exercice de plus 89 %, ou des Pays-Bas avec 8 % de hausse, suivant 62,6 % en 96/97. L’impression est que dans ces pays, confiance et hausse des prix ne sont pas encore complètement rétablies. Mais à l’exception de l’Allemagne, dont on peut dire avec certitude que le marché est à l’humeur d’une conjoncture économique maussade, il faut relativiser la précédente conclusion car, sur des marchés exigus, l’effet de ventes de prestige irrégulières, éventuellement amplifié par les grandes maisons, peut donner une allure un peu chaotique aux chiffres.
La crise asiatique
La crise asiatique justifie sans doute la décrue australienne (- 9 %) et néo-zélandaise (- 11 %), la stagnation de Hong Kong ( 1% après une progression de 60 %), la dépression de Singapour (- 40 % après 61 % de hausse). Dans ces statistiques – où n’apparaissent malheureusement toujours pas les chiffres japonais –, le boom taiwanais fait figure d’exception ( 158 %), probablement propulsé par le retour de Hong Kong à la Chine. Anticipant peut-être la crise russe, la Pologne a reculé de 45 % après avoir été championne de la croissance en 96/97 avec 163 %. Globalement, la saison 1997-1998 restera comme un très bon cru, encore tiré par l’euphorie économique américaine. Les crises actuelles sur les marchés émergents, encore embryonnaires, ne devraient pas peser sur la saison à venir. Dans un contexte d’incertitudes qu’amplifie à l’extrême le fonctionnement des marchés financiers, il sera intéressant d’observer si le marché de l’art est toujours “indexé” sur les marchés boursiers ainsi que le pensent certains, ou si il peut s’en affranchir, comme valeur refuge pour les uns, de plaisir ou de symbole pour les autres.
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La saison 1997-1998 des enchères : un bon cru
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : La saison 1997-1998 des enchères : un bon cru