PARIS - « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Selon ces dispositions de l’article 1382 du code civil, celui qui, par son erreur, commet un préjudice, doit en répondre. Il en est ainsi de l’expert d’œuvres d’art. Dès lors que la nullité de la vente d’un objet expertisé par lui est prononcée, ce professionnel peut être condamné. Notamment si un manquement lui est imputable et que le vendeur est devenu insolvable. C’est ce qu’est venue rappeler la cour d’appel de Paris le 23 mars 2012, dans un arrêt qui confirme une jurisprudence sévère pour les experts, à partir de faits classiques.
Commode Louis XIV
Un couple d’« amateurs d’art avertis » pensait être propriétaire d’une commode d’époque Louis XIV, après avoir dépensé 250 000 euros pour son acquisition, auprès de M. César Hermanovits, antiquaire. Le meuble avait été certifié authentique par trois spécialistes ; mais, non convaincus de son ancienneté, les époux sollicitèrent une nouvelle expertise, judiciaire cette fois, laquelle fut confiée à Armand Godard Desmaret. Or celle-ci révéla que seul le bâti de la commode était d’origine, son décor de marqueterie et de bronzes ayant été exécuté postérieurement. Les acheteurs assignèrent alors en nullité de la vente et réparation de leurs préjudices le vendeur ainsi que les premiers experts. Le tribunal de grande instance de Paris condamna le vendeur à rembourser le prix d’achat, en contrepartie de la restitution par les acheteurs de l’objet de la vente.
La transaction était annulée et la responsabilité des experts, retenue, puisque ces derniers devaient réparer le préjudice moral subi par les acheteurs trompés. Ce jugement fut cependant déféré en appel par les acquéreurs de la commode, afin que leur soit évitée une perte financière. Leur débiteur était défaillant et les spécialistes, fautifs, les acheteurs souhaitaient que les experts soient condamnés solidairement à garantir le remboursement du prix perçu par le vendeur. Ce à quoi consentit la cour d’appel de Paris.
« Considérant que, par leurs opinions convergentes, les trois experts ont […] directement contribué à convaincre les acheteurs de réaliser leur acquisition », la cour de Paris a jugé que leur responsabilité professionnelle devait être engagée. Le tribunal avait, « avec pertinence » selon elle, retenu que la faute des experts consistait non pas en une erreur d’attribution du meuble, mais en une négligence dans l’accomplissement de leur mission. Leurs recherches ont été insuffisantes, a précisé la cour. « En effet, un examen plus attentif du meuble [aurait dû] alerter les spécialistes que sont les experts en cause et les conduire à ne pas authentifier sans réserves le meuble qui leur avait été présenté. » L’expert, dont le devoir était jusqu’alors de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour réaliser son évaluation, ne semble plus pouvoir désormais s’exonérer de la présomption de sa responsabilité. Finalement, son obligation dite « de moyens » s’apparenterait donc à une obligation de résultat, le contraignant à une finalité donnée : trouver l’estimation juste. Sans qu’il puisse prouver, pour se protéger, n’avoir commis aucune faute. Et ce, depuis plus de quinze ans déjà.
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La responsabilité de l’expert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : La responsabilité de l’expert