La rentabilité des maisons de ventes en 2023

Avec un taux de marge brut moyen de 31,5 % en 2023, les plus importants opérateurs de ventes aux enchères d’objets d’art et de collection affichent une rentabilité confortable. Elle est supérieure à celle du commerce de détail (environ 24 %) ou de la grande distribution (entre 16 et 20 %) pour des coûts de structure inférieurs.

C’est ce qui ressort de calculs du Journal des Arts qui a consulté les comptes sociaux 2023 des 10 plus grandes maisons de ventes en France. Et lorsque les comptes ne sont pas publiés la rédaction a calculé la différence entre le produit d’adjudication hors frais communiqué par le Conseil des maisons de vente et le produit d’adjudication frais compris déclaré par les opérateurs à la presse. Le chiffre d’affaires (CA) d’une maison de ventes est constitué des seuls frais qu’elle facture aux vendeurs et acheteurs.

Et ces frais n’ont fait qu’augmenter depuis la fin du monopole des commissaires-priseurs en 2001. Les frais acheteurs (hors TVA) étaient à l’époque de l’ordre de 9 à 18 % sur la première tranche pour des adjudications inférieures à 100 000 € alors qu’aujourd’hui ils sont entre 25 % et 30 % et descendent en général à 14,5 % quand le prix marteau dépasse 4 M€. Entre ces deux tranches extrêmes, chaque maison de ventes fixe ses propres taux et tranches en fonction de son modèle économique.

Les frais vendeurs sont plus opaques car négociables. A l’époque Christie’s avait un barème vendeur (calculé sur un CA annuel) qui démarrait à 15 % jusqu’à 3 800 € et était de 2 % sur la dernière tranche (entre 2,7 et 5,5 M€). Aujourd’hui rares sont les maisons de ventes à indiquer un barème vendeur. Millon évoque un taux entre 15 et 22 % pour des petites sommes quand Sotheby’s facture (en principe) 10 % jusqu’à 4,5 M€.

Sotheby’s a récemment considérablement simplifié ses frais acheteurs avec un seul taux de 20 % jusqu’à 5 M€ et de 10 % au-delà ce qui le rend beaucoup plus compétitif sur les lots en dessous de 500 000 €. Mais emportés dans le feu des enchères, les acheteurs sont-ils vraiment regardants sur les frais ? 

Si les taux effectifs ne présument pas forcément de la profitabilité de l’opérateur de vente ils la déterminent fortement. Ainsi avec un taux cumulé de 36,4 % Million a dégagé un bénéfice net de 2,08 M€ en 2023 faisant suite à deux exercices très profitables (3 M€ en 2022 et 2,5 M€ en 2021). PIASA n’a pas communiqué ses chiffres en 2023 mais a lui aussi dégagé un bénéfice supérieur à 1 M€ les années précédentes (1,35 M€ en 2021 et 1,88 M€ en 2022).  Idem pour Aguttes : près de 3 M€ en 2021 et 2022 et 0,5 M€ en 2023. Le bénéfice d’Osenat dépasse allègrement le 1 million depuis 3 ans.

Artcurial ne communique plus ses chiffres depuis 2018. D’après les calculs du JdA, son cumul de taux est le plus faible du top 10 (21,4 %) ce qui ne conjecture rien de bon pour son résultat net. Les chiffres (publiés) de Christie’s et Sotheby’s sont difficilement lisibles dans la mesure où ces deux opérateurs peuvent se facturer entre filiales. Ainsi Christie’s France a déclaré une perte de près de 4 M€ en 2023 quand Sotheby’s a déclaré un profit de 10 M€, alors que l’un et l’autre ont le même chiffre d’affaires.