Un siècle après la mort d’Émile Gallé (cf. pp. 66-75), ses œuvres les plus typiques provoquent à nouveau l’engouement. À la vente Piasa du 23 mars dernier, les estimations ont été largement dépassées. L’évolution des cotes, qui avaient atteint des sommets dans les années 1980, est significative des changements de goûts successifs.
Au lendemain de la disparition du maître verrier, le 23 septembre 1904, son successeur à la tête de l’école de Nancy, Victor Prouvé, développe une production industrielle massive, prolongée par une liquidation des stocks jusqu’à la fermeture de l’entreprise en 1919.
À cette époque, un autre style commence à s’affirmer, qui s’appellera bientôt l’Art déco.
Les lignes géométriques rigoureuses repoussent les formes alanguies de l’Art nouveau. Il faut attendre les années 1960 pour que des collectionneurs redécouvrent le charme sinueux et floral de l’Art nouveau. Avec son livre L’Objet 1900, Maurice Rheims, alors commissaire-priseur et lui-même collectionneur, contribue fortement à ce nouvel engouement. Les cotes des œuvres en verre d’Émile Gallé connaissent une rapide ascension. Une lampe à décor de fleurs mauves qui valait 1 000 francs en 1970 se vendra dix fois plus cinq ans plus tard. Les Américains puis les Japonais se disputent les belles pièces sur un marché devenu international. La spéculation s’en mêle : le million de francs est vite dépassé. Un vase à décor de marqueterie baptisé Souci de plaire atteint l’enchère de 4 400 000 francs à Compiègne le 11 mars 1990. Record battu quelques mois plus tard à Tokyo où maître Jacques Tajan, sur expertise de Jean-Pierre Camard, frappe une adjudication à 7 800 000 francs ! Mais c’est aussi un coup d’arrêt. Les Japonais se retirent brusquement du marché. La dégringolade des cotes se poursuit d’année en année. En 1994, une réplique du Souci de plaire de grande qualité se vend 710 000 francs, soit dix fois moins cher. Quant à la production industrielle, elle se situe dans des cotes de l’ordre de 2 000 à 8 000 francs, à moitié prix de leur valeur des années 1980. Depuis
la mise en place de l’euro, il faut compter de 3 000 à 10 000 euros pour les œuvres de qualité, et de
500 à 1 000 euros pour les verreries industrielles.
À la vente Piasa du 23 mars, sur expertise de Félix Marcilhac, une bouteille bleue de vingt-huit centimètres à long col effilé estimée 6 000 euros s’envole à 41 500 euros. En photo, un vide-poche en forme de carpe en verre fumé ambré atteint le double de son estimation à 6 200 euros, et deux vases quadrangulaires dans le goût chinois à motifs rehaussés de dorures se vendent 15 000 et 19 500 euros. L’expert explique le succès de la vente par le retour des acheteurs japonais soutenues par des amateurs russes et des collectionneurs français.
Une certaine lassitude des objets Art déco, dont les prix paraissent souvent excessifs, commence-t-elle à se faire sentir ?
Retour du balancier de la droite à la courbe, l’Art nouveau retrouve la faveur des connaisseurs.
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La relance de l’Art nouveau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°558 du 1 mai 2004, avec le titre suivant : La relance de l’Art nouveau