Utilisant des procédés photographiques anciens, Laurent Millet installe son jardin merveilleux à la galerie Binome.
Paris. Dans la mythologie grecque, les Hespérides sont les gardiennes du jardin où poussent des pommes d’or. Chez Laurent Millet (né en 1968), ce jardin prend la forme d’une végétation dense et luxuriante d’une forêt tropicale féerique aux couleurs bleue et or chatoyantes. Tirée à la gomme bichromatée, en couches successives de gommes arabiques et de pigments, cette nouvelle série de photographies « Hespérides » (2023) livre un paysage envoûtant inspiré des motifs des papiers ornementaux dorés gaufrés allemands du XVIIIe siècle, eux-mêmes influencés par des tissus importés d’Orient. Des références, des symboliques, des temps s’enchevêtrent dans cette forêt que seule perce la lumière. Montrée pour la première fois, « Hespérides » compose une des trois séries de l’exposition du photographe à la galerie Binome. Elle tranche par ses couleurs, par sa part de merveilleux.
Laurent Millet prend un soin particulier à donner une matérialité propre à chacun de ses sujets. Ainsi, la deuxième série présentée « Schloss im Wald zu Bauen » (« Château à construire dans la forêt », 2012) – évoquant l’architecture de verre de Mies van der Rohe – est revisitée aujourd’hui. La présentation dans des caissons lumineux des photogrammes originaux de cette série sur plaque de verre au collodion leur confère une texture totalement différente des cyanotypes de 2012. Le dialogue des structures d’habitations transparentes avec des branches de végétaux est accentué dans les lignes et les formes déclinant une gamme de gris qui se substitue au bleu du tirage cyanotype. L’illusion de l’hybridation dessin-sculpture varie elle-même selon que le caisson lumineux est allumé ou éteint.
Le pictorialisme élégiaque des tirages à la gomme bichromatée de la troisième série « Brion Vega, Hommage à Scarpa » (2020) résulte de la fascination du photographe pour l’architecture du complexe funéraire monumental, imaginé par Carlo Scarpa pour la famille Brion.
« Laurent Millet est à lui seul un conservatoire des procédés photographiques », souligne la galeriste Valérie Cazin. Il fait aussi partie de ceux, plus rares encore, qui à partir des techniques de prise de vue ou de tirages élaborées au cours de l’histoire de la photographie, et revisitées constamment, ont construit leur propre monde.
Les prix des tirages varient d’une série à une autre : 5 800 euros pour un photogramme sur plaque de verre au collodion dans un caisson lumineux en bois peint (pièce unique) pour « Schloss im Wald zu Bauen », et à partir de 11 000 euros pour « Hespérides » (tirage unique en édition de 3) et 4 500 euros pour la série « Brion Vega, Hommage à Scarpa ».
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La nature selon Millet
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°632 du 26 avril 2024, avec le titre suivant : La nature selon Millet