En ouvrant le bal des foires de l’automne, Frieze donnera le pouls du marché du 16 au 19 octobre. Entre l’économie réelle et le marché de l’art, le schisme va croissant.
LONDRES - Selon la base de donnée Artprice, l’Angleterre aurait écoulé 1,5 milliard d’euros en fine art, disputant la première marche du podium avec les États-Unis. Dans le même temps, le ministre britannique des finances, Alistair Darling, déclarait en septembre que son pays allait être confronté au pire déclin économique depuis soixante ans. Et pourtant, le jour même de l’annonce de la faillite de la banque Lehman Brothers à New York, la vente du soir de Damien Hirst a cartonné en totalisant 70,5 millions de livres sterling (88,7 millions d’euros) (lire p. 27). C’est dans ce contexte de perplexité teinté d’inquiétude que s’ouvrira le 15 octobre la foire d’art contemporain Frieze à Londres. « L’an dernier, la foire était moins frénétique, admet Matthew Slotover, codirecteur du salon. Les marchands m’ont dit qu’ils avaient vendu en quatre heures ce qu’ils vendaient les années précédentes en une demi-heure. Les gens prétendent que le haut du marché et les valeurs sûres s’en sortiront alors que le bas du marché et les jeunes artistes souffriront. Je n’en suis pas sûr. Si j’avais dépensé 3 millions de dollars sur un artiste qui trois mois avant valait 200 000 dollars, je serais plus inquiet qu’en misant 10 000 dollars sur un jeune. » Crise ou pas crise, les galeristes se sont bousculés aux portillons. Un des projets spéciaux de la foire a même donné sa chance à une enseigne déboutée. Sur le modèle de Willy Wonka dans Charlie et la chocolaterie, l’artiste Cory Arcangel a envoyé une barre de chocolat aux cent galeries refusées, l’une des barres contenant un sésame lui offrant exceptionnellement un stand. Même si certains exposants confient naviguer à vue, ils reconnaissent qu’il leur est difficile de réduire la voilure. C’est le cas d’Emmanuel Perrotin (Paris, Miami), qui profitera de l’occasion pour présenter une sculpture de Duane Hanson, prémices à une exposition en mai 2009 en galerie. Montrer Hanson dans une foire où les visiteurs guettent la chair fraîche, n’est-ce pas déplacé ? Peut-être pas, lorsqu’on songe qu’Yvon Lambert (Paris, New York) y a rapidement vendu l’an dernier une œuvre de Tom Wesselmann. Néanmoins, poussés tacitement par la direction de la foire, la plupart des exposants se concentrent sur les jeunes pousses. Et flirtent avec la mode. « C’est ce qu’on dit depuis vingt ans sur l’art contemporain, réplique Slotover. Mais lorsqu’on regarde la majorité des artistes importants, ces derniers ont été à la mode de leur temps. Je ne dis pas que les 1 500 artistes qu’on peut voir à Frieze seront là dans cent ans, mais c’est notre pari. » Un pari bigrement ambitieux pour ne pas dire prétentieux ! Au rayon jeune, Art : Concept (Paris) proposera un face-à-face entre deux complices : Adam McEwen et Jeremy Deller. Gb agency (Paris) est de retour sous l’enseigne collective de la Fair Gallery, avec un projet déroutant conçu par le commissaire d’exposition Pierre Bal-Blanc. Celui-ci a demandé à quelques artistes des quatre galeries regroupées sous le parapluie de la Fair Gallery de choisir une pièce qui sera détruite lors de l’inauguration du salon ou sur la durée de l’événement. Mais selon un principe de réversibilité, les créateurs choisiront le processus et la durée pour matérialiser à nouveau les œuvres.
16-19 octobre, Regent’s Park, Londres, www.friezeartfair.com, les 16, 17 et 18, 11h-19h, le 19, 11h-18h.
- Directeurs : Amanda Sharp et Matthew Slotover
- Nombre d’exposants : 150
- Tarif des stands : 237 livres sterling (298 euros) le m2
- Nombre de visiteurs en 2007 : 68 000
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La mode, la mode, la mode
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Abonnez-vous dès 1 €Après New York, Yvon Lambert part à l’assaut du marché londonien en ouvrant 700 m2 dans l’East End, en face de son confrère White Cube. « Certains de nos artistes comme Mircea Cantor, Oeker, Castellani, Serrano ou Goldin ne sont pas ou mal représentés en Angleterre. Hormis Lisson Gallery, il n’y a pas ou peu de galeries à Londres ayant un profil conceptuel, explique Olivier Belot, directeur de la galerie. On voit aussi à Londres des collectionneurs qui ne viennent pas à Paris, il y a plus de ressortissants étrangers en raison des avantages fiscaux. » Le gouvernement britannique a d’ailleurs renoncé à taxer les 120 000 riches étrangers (oligarques, hommes d’affaires du Moyen-Orient…) bénéficiant du statut de non-résident. Il faut dire que d’après la Confédération de l’industrie britannique, ces derniers injectent quelque 23 milliards de livres sterling dans l’économie britannique. Et par ricochet quelques oboles dans l’art !
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : La mode, la mode, la mode