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ART CONTEMPORAIN

La magie Loutz à la galerie Papillon

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2021 - 531 mots

PARIS

On n’avait pas vu d’exposition personnelle de Frédérique Loutz depuis plus de cinq ans. Dessins, gravures, sculptures en verre : c’est un retour en force, « en terrain vague et fertile ».

Paris. Des cœurs et des bananes. Lorsqu’on pense au travail de Frédérique Loutz (née en 1974), ces deux motifs viennent à l’esprit, car l’artiste n’a cessé de les utiliser dans des compositions qui hésitent entre le grotesque et l’héraldique, le bizarre et le désopilant. Elle qui appartient à deux cultures, allemande et française, décrète que sa langue est « le baroque sec »– formule que lui a offerte Jacques Monory en 2011. Dans le catalogue que coédite la Galerie Papillon avec The Drawer, elle précise, à propos des rictus également récurrents dans ses œuvres, ne pas choisir « entre la menace et le rire ». Il y a sans doute du Topor, pour son humour noir, dans l’univers de Frédérique Loutz, ainsi que le suggère la critique d’art Julie Crenn. Mais il y a aussi du Jérôme Bosch, du Delacroix, des airs de Vierge à la Raphaël… Il est par ailleurs étonnant de parvenir à montrer autant de facettes différentes d’une pratique à travers un nombre d’œuvres assez restreint, qui toutes sont de production récente.

Dans ce solo show (le cinquième) que la Galerie Papillon consacre à Frédérique Loutz, on peut en effet voir des crayonnés de couleur de petit format posés au sol, des gravures dont l’une est en noir et blanc, des sculptures en verre, et de très grands dessins qui tendent vers la peinture… Celui qui retient immédiatement l’attention, par sa taille et parce que l’accrochage lui confère une place centrale, s’intitule Les Filles de Loth (2020, [voir ill.). Soit, sur un fond bleu de lavis détrempé, deux silhouettes enfantines à la nudité potelée, telles des putti aux visages graves, en suspens dans l’espace de la toile, dont l’une fixe le spectateur, d’un regard de défi qui n’a rien d’innocent. Il faut être une femme, et une mère – les deux fillettes sont celles de l’artiste – pour prêter aujourd’hui ce genre d’ambivalence au monde de l’enfance, en jouer ouvertement. Outre cette profondeur captivante, l’œuvre fascine aussi en ce qu’elle excède les frontières du médium. Dans Girrrland , la monographie à paraître, l’artiste explique : « Je traite le dessin comme une peinture (j’utilise le pinceau, la gouache, autant que l’encre). »

Un travail de dessin

Mais toujours, donc, il s’agit de dessin. Dans ses lithographies, évidemment, nature morte ou sirène bifide en balançoire Two Tails Mermaid (2019). Et jusque dans ses « Brochettes » en verre de couleur réalisées au Centre international d’art verrier, à Meisenthal (Moselle), sur lesquelles elle vient apposer sa touche au pinceau, comme pour en redessiner les contours et ramener le tracé dans la sculpture. Leurs empilements de formes projettent au mur des ombres qui pourraient être celles de statues primitives, dans un étrange dédoublement de sens.

Le travail de Frédérique Loutz est présent dans de nombreuses collections publiques (Fnac, Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, Frac Picardie, Frac Auvergne…). Il est également soutenu par d’importants collectionneurs privés, comme les Guerlain ou Laurent Dumas, le fondateur d’Emerige. Les prix des œuvres, eux, sont inversement peu élevés, entre 600 et 12 500 euros.

Frédérique Loutz, Flip a coin,
jusqu’au 27 février, Galerie Papillon, 13, rue Chapon Paris 75003.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : La magie Loutz à la galerie Papillon

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