Rendez-vous incontournable de l’art moderne et contemporain, la Foire de Bâle a infirmé cette année les craintes des marchands qui s’attendaient à un ralentissement du marché. Même si la manifestation n’était pas très riche en œuvres spectaculaires, les artistes sur le devant de la scène étaient omniprésents, tant dans le secteur « galleries » que dans « Unlimited ».
BÂLE - “C’est la meilleure Foire de ces dernières années.” C’est en ces termes que le marchand parisien Daniel Templon exprimait son enthousiasme à l’issue de la 32e Foire de Bâle. Les galeristes attendaient avec un peu de crainte cette édition du plus grand rendez-vous mondial pour l’art moderne et contemporain, après les soubresauts de la Bourse de New York le printemps dernier et les résultats en trompe-l’œil des grandes ventes du mois de mai où les records éclipsaient des résultats dans l’ensemble moyens. “Art Basel” semble en effet confirmer une présence renforcée sur le marché de collectionneurs européens moins versatiles, moins sensibles aux brusques changements boursiers et dont l’approche des œuvres est davantage dictée par la passion que par le souhait de réaliser des plus-values substantielles à court terme. “En termes de fréquentation, d’intérêt et de ventes, la foire confirme le bon climat européen malgré des craintes de ralentissement”, estime Daniel Templon, se réjouissant du haut niveau de l’activité commerciale, lui qui vendait une douzaine d’œuvres dans des prix se situant entre 10 000 et 60 000 dollars (75 000 - 446 000 francs).
Déjà quelques jours avant la Foire, la Biennale de Venise paraissait annoncer ce haut niveau d’intérêt puisque le taux de fréquentation lors des trois journées professionnelles battait un nouveau record, entraînant parfois même une attente de deux heures pour découvrir certains pavillons, comme celui de l’Allemagne. Nombre de ces visiteurs se sont retrouvés dans les allées de la Foire de Bâle ou dans le grand hall de “Unlimited”, condensé des artistes les plus présents sur le circuit mondial – un euphémisme pour ne pas employer le terme de “branché” – et qui proposaient ici des œuvres aux dimensions véritablement muséales. Difficile en effet d’installer dans son salon la pièce de Hans Hemmert (galerie Gebauer, Berlin) regroupant quatre automobiles ou la Grande broyeuse de Mona Hatoum (Jay Jopling, Londres), une mouli-julienne qui doit bien mesurer trois mètres de haut ! Même si certains le déploraient, il ne fallait pas s’attendre à la Foire de Bâle à se trouver face à de réelles surprises et les découvertes étaient relativement rares. De l’aveu même de certaines galeries, le chiffre d’affaires nécessaire pour rembourser les frais d’une présence à Bâle s’élève à près de 500 000 francs, ce qui est de nature à encourager les marchands à jouer la carte des valeurs sûres ou des jeunes vedettes (éphémères ?) du marché mondial. Même le secteur subventionné des “Statements”, malgré ses artistes souvent moins connus, n’échappe pas à une certaine mode, dans tous les sens du terme, l’un des prix décernés par la compagnie d’assurances La Bâloise étant ainsi remis à Annika Larsson (galerie Andréhn-Schiptjenko, Stockholm), dont la vidéo fétichiste s’inscrit parfaitement dans une esthétique Gucci-Prada. Le secteur reste cependant un bon tremplin pour des artistes au succès en devenir, à l’image de Michel Blazy dont l’installation sur le stand de la galerie Art: Concept éveillait de la curiosité.
Cotes astronomiques
Autre secteur spécialisé, celui de la photographie était cette année uniquement réservé à la “photographie classique”, une notion particulièrement floue mais qui semble correspondre à ce que certains nomment la “photo-photo” en opposition à la “photographie plasticienne”. Seuls 20 % de ces stands étaient en effet ouverts à cette dernière. Cette nouvelle distinction ne faisait pas que des heureux, à l’image de Baudoin Lebon qui n’hésitait pas à parler de “ghetto”. Même resserré, ce secteur attirait néanmoins les dix plus grands collectionneurs de photographie à l’échelle mondiale. Ici encore, les galeristes constataient la bonne santé du marché en Europe, même si certains s’attendent dans les mois qui viennent à un réajustement de prix devenus excessifs pour certaines vedettes du marché. Pour la photographie mais aussi pour la peinture, la vidéo, la sculpture ou l’installation, les galeries américaines n’ont d’ailleurs pas hésité à augmenter ostensiblement leurs prix pour la Foire de Bâle, et à proposer des œuvres parfois 20 % plus cher sur leur stand que sur ceux de leurs homologues européens.
Au rez-de-chaussée où sont présentes les galeries les plus prestigieuses – celles qui en quelques mètres carrés proposent un condensé de l’histoire de l’art du XXe siècle –, Acquavella Galleries Inc., de New York, étrennait sa première participation. Son directeur, William R. Acquavella, se félicitait d’y avoir rencontré de nouveaux collectionneurs et d’avoir notamment vendu à un privé Blau, une œuvre d’Yves Klein datant de 1961-1962, pour environ 2 millions de dollars (14,86 millions de francs). Nous sommes évidemment bien loin des prix d’un autre Français né deux ans avant l’inventeur de l’IKB, Raymond Hains, dont les “Macintoshages” culminent à 70 000 francs ! Daniel Templon explique cet écart par la faible capacité d’investissement des collectionneurs français vis-à-vis des Américains, Suisses ou Allemands. Seul Pierre Soulages arrive en effet à dépasser le million de francs en ventes publiques face aux armées d’artistes “millionnaires” d’outre-Rhin ou d’outre-Atlantique.
Loin de ces cotes astronomiques, les artistes de la “Liste 01”, la jeune Foire, proposaient parfois dans des conditions d’exposition limites, des œuvres bien plus “expérimentales”, à l’image de l’iMac en céramique de Bruno Peinado (15 000 francs sur le stand de la galerie Françoise Vigna, Nice). La Liste comprenait aussi des galeries qui feront le voyage en décembre jusqu’aux États-Unis pour “Art Basel Miami Beach”, comme la Galleria Franco Noero (Turin). Ce nouveau rendez-vous américain qui réunira aussi 1900-2000, Crousel, Di Meo, Goodman, Greve, Hussenot, Lambert, Lelong, Meyer, Nelson, Palix, Perrotin, Ropac ou Villepoix, constitue un défi de plus pour les organisateurs de la Foire de Bâle qui reste, cette année encore, le baromètre incontournable du marché de l’art international.
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La Foire de Bâle confirme la santé du marché
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : La Foire de Bâle confirme la santé du marché