« Si vous souhaitez continuer à travailler pour Gagosian, je vous suggère de commencer par vendre de l’art. Dans le nouveau climat, tout sera évalué à l’aune de la performance… Je travaille dix-huit heures par jour, ce que d’aucuns peuvent vérifier. Si vous ne souhaitez pas faire de même, dites-le moi. » Telle est la missive cinglante que les employés du galeriste Larry Gagosian ont reçue début novembre.
Cet ultimatum fut suivi de près d’un autre courrier au style moins télégraphique mais au ton tout aussi menaçant. « Le luxe de porter à bout de bras des employés sous-performants appartient désormais au passé ». Les choses sont claires ! D’ailleurs, la newsletter de l’art Baer Faxt a révélé que la galerie Pace Wildenstein (New York) a licencié 18 de ses 146 employés. Si la galerie Sperone Westwater prend le risque d’investir dans un nouveau building de neuf étages dans le Bowery à New York, la plupart des enseignes évoquent à demi-mot des restructurations de personnel et des coupes sèches dans leur train de vie. Nous ne sommes visiblement plus au bon vieux temps du commerce facile, quand les nouveaux acheteurs se décidaient sur la foi de simples Jpeg, de notices de catalogues surgonflées, et des rumeurs des conseillers. Pour preuve, les ventes new-yorkaises du mois de novembre alignaient de 30 à 40 % d’invendus et des prix divisés par deux. Si les auctioneers ont sauvé les meubles, ils y ont perdu leurs chemises à coup de garanties insensées. Le 12 novembre, Christie’s avait ainsi garanti trente-cinq des soixante-quinze lots. L’écurie de François Pinault fut mal avisée en donnant une estimation et une garantie d’au moins 10 millions de dollars pour une toile tardive de Brice Marden, alors que de tels spécimens se négocient au mieux à 4 millions de dollars en galerie. De même, les mauvais Warhol ont connu une hécatombe tandis que Damien Hirst a subi un sérieux retournement de flamme après son succès en septembre dernier. La crise sonne la fin de la récré et de la spéculation. Ce qu’a pu constater le vendeur d’une peinture de Subodh Gupta, achetée en 2007, et proposée chez Christie’s le 12 novembre. Celle-ci est restée sur la touche, aucune enchère ne décollant au-delà de 280 000 dollars. « Le vent a tourné, mais il souffle encore, avec des acheteurs plus avisés, affirme François Curiel, président de Christie’s Europe. Nous nous adaptons à la situation, comme nous l’avons fait déjà plusieurs fois dans notre longue histoire : estimations au niveau des prix du marché, catalogues plus sobres, moins de brochures, moins de grands cocktails, mais davantage d’événements ciblés et moins d’expositions itinérantes. Et surtout arrêt des garanties et des ristournes de la commission acheteur que nous donnions à certains vendeurs de grandes collections. » Pour le conseiller Philippe Ségalot, « on revient vers un marché plus traditionnel. Des gens qui voilà deux ou trois ans avaient cessé d’acheter, car ils étaient échaudés par la hausse des prix reviennent sur le terrain. Le meilleur exemple est Eli Broad, qui a été très actif lors des ventes de novembre. » Rappelons que François Pinault avait constitué le cœur de sa collection à partir de 1991, quand les collectionneurs américains avaient gelé leurs achats suite à la crise…
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La fin de la spéculation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°292 du 28 novembre 2008, avec le titre suivant : La fin de la spéculation