Elle a fait retirer deux cachets impériaux, lots phares d’une vente d’art asiatique à Drouot.
PARIS - La vente d’art d’Asie du 16 juin à Drouot organisée par la maison Piasa a été bouleversée par le retrait in extremis des deux lots phares, à la demande de la direction des Musées de France (DMF). Il s’agit de deux cachets impériaux surmontés de deux dragons enlacés, d’époque Qianlong (1736-1795), l’un en néphrite verte, l’autre en néphrite blanche, estimés 500 000 euros à 1 million d’euros chacun. « J’ai reçu le matin de l’avant-veille de la vente un courrier de la DMF me demandant d’arrêter la vente de ces objets », nous a déclaré Pierre-Emmanuel Audap. Le commissaire-priseur en charge de la vacation eut alors à peine le temps de prévenir plusieurs clients chinois de ne pas prendre l’avion pour Paris et d’informer, « par correction », d’autres acheteurs potentiels. Dans un communiqué, il écrit : « La société PIASA et l’expert Monsieur Thierry Portier prient les collectionneurs intéressés par ces objets de bien vouloir les excuser pour ce changement indépendant de leur volonté et dont ils ne sont en rien responsables. » Et pour cause : plusieurs semaines avant la vente, ces sceaux avaient fait l’objet auprès de la DMF d’une demande de passeport permettant leur exportation. Chacun des cachets impériaux s’était vu délivrer par cette même administration, le 27 avril 2006, le fameux certificat de circulation.
Le catalogue de la vente a été largement diffusé un mois avant la dispersion. Mais la DMF a réagi seulement deux jours avant la vente. Motif invoqué : un doute sur l’aliénabilité des pièces. Car, selon nos informations, ces cachets pourraient être la propriété du Musée Guimet, à Paris, et avoir été donnés par Émile Guimet lui-même. Des vérifications bien tardives sont en cours. Ce n’est pas la première fois que la DMF fait preuve en la matière d’une désinvolture inquiétante. Dans l’affaire de la vente Daguerre du 14 décembre 2001 à Drouot, treize lots munis de leur passeport de libre circulation ont été réclamés par le Musée de la Renaissance à Écouen (Val-d’Oise) presque quatre ans après leur adjudication (lire le JdA no 226, 2 décembre 2005, p. 36). Interrogée sur ce nouveau dysfonctionnement, la DMF s’est refusée à tout commentaire. Mais le mot « erreur » est chuchoté dans les services concernés. « Ma vente est sabotée. C’est catastrophique pour nous », déplore Pierre-Emmanuel Audap qui ajoute que « la DMF devra assumer sa responsabilité ». Le commissaire-priseur et son expert Thierry Portier ont en effet engagé de lourds frais pour promouvoir cette vente. Ils avaient loué un stand à l’Asia International Arts and Antiques Fair de Hongkong, programmée du 26 au 29 mai. Ils y présentaient les deux cachets de l’empereur Quianlong, lesquels avaient suscité beaucoup d’intérêt sur place. Vu leur qualité, ils espéraient les voir battre le record mondial pour un sceau impérial détenu par un cachet en pierre dure surmonté d’un lion, d’époque Quianlong, vendu 7,9 millions de dollars de Hongkong (un peu plus de 800 000 euros) par Sotheby’s le 25 avril 2004 à Hongkong.
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La DMF dérape
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : La DMF dérape