Les deux salons du dessin n’ont pas bénéficié de la même euphorie que l’an dernier.
PARIS - Un Caprice de Canaletto, proposé par la galerie Salamander (Londres) sur le Salon du dessin ancien (9-13 avril) résume bien le dilemme de la foire. Cette feuille illustre la dualité entre les temps modernes, incarnés par une usine de céramique, et les temps anciens, par le Château Saint-Ange de Rome, avec en filigrane la difficulté de rejoindre ces deux pôles. Or, malgré une audience classique voire empesée, le salon ne peut ignorer l’évolution des goûts, couplée à la raréfaction. Car, après l’apothéose de l’an dernier, la sélection a déçu par la faiblesse de l’ancien, hormis quelques exceptions comme Éric Coatalem (Paris) et son Reniement de Saint-Pierre par Tiepolo ou le beau dessin de Bresdin chez Brame et Lorenceau (Paris). La raréfaction est une chose, la désinvolture en est une autre. Katrin Bellinger (Londres) avait visiblement traité son stand par-dessus la jambe. Quel est l’intérêt d’inviter des grands noms de la profession si ces derniers n’apportent pas de grandes feuilles ? Pendant ce temps, le moderne tenait le haut du pavé. Tout particulièrement le marchand David Levy (Paris) et son remarquable accrochage dominé par Cette Guerre morphologique de l’homme, un Brauner érotique acheté par le Centre Pompidou, et une composition à quatre mains de Niki de Saint Phalle et Larry Rivers. Un entêtant parfum symboliste régnait aussi bien chez Patrick Derom (Bruxelles) avec Orphée et Eurydice de Füssli, que du côté de Fine Art Society (Londres) avec un Jardin mystérieux par Margaret Macdonald Mackintosh. Même Jean-Luc Baroni (Londres) avait fait sauter le verrou avec un spectaculaire dessin de Rodin, représentant un nu dans l’eau. Bien lui en a pris, car malgré un prix salé de 500 000 euros, le marchand a réussi à trouver preneur.
Pendant que le Salon du dessin ancien jonglait avec son identité, celui du dessin contemporain (10-14 avril) avait rehaussé sa qualité et peaufiné son organisation. Il y avait de quoi se réjouir devant les dessins féroces de Peter Saul chez Charlotte Moser (Genève), les anagrammes drolatiques de Jean Dupuy chez Semiose (Paris), les troublantes broderies de Nancy Brooks Brody chez Virgil de Voldère (New York) ou encore le stand irréprochable d’Yvon Lambert (Paris) magnifié par Robert Barry, Stanley Brouwn et Carl Andre.
Malgré le capital sympathie dont bénéficient les deux événements, la morosité économique a toutefois généré un commerce mitigé. « Dans l’ensemble, le salon a bien marché, mais ça ne bouillonnait pas comme l’an dernier », confiait Jean-Luc Baroni après avoir cédé une dizaine de pièces. « Le passage à l’acte est plus difficile et les pièces les plus importantes de notre stand ne sont pas parties », indiquait-on en fin de parcours chez Salamander. Si les musées, notamment américains, semblaient moins actifs, l’Institut néerlandais a lui emporté une Procession sur la place d’une église à Naples par Desprez chez Flavia Ormond (Londres) et une Vue de Capri de Turpin de Crissé chez Terrades (Paris).
Une bouffée d’oxygène
Le Salon du dessin contemporain semblait lui commencer sur les chapeaux de roue. Oh surprise, la collectionneuse d’art décoratif Hélène David-Weill a même craqué devant un grand dessin de Marlène Moquet chez Alain Gutharc (Paris). Fidèles parmi les fidèles, Daniel et Florence Guerlain ont acheté une œuvre de Frédérique Loutz chez Claudine Papillon (Paris) et deux feuilles de Daniel Schlier chez Charlotte Moser. Antoine de Galbert a lui emporté un dessin de Cathryn Boch chez Anne de Villepoix (Paris). Même le galeriste parisien Thaddaeus Ropac y est allé de ses emplettes, emportant une feuille d’Iris Levasseur chez Odile Ouizeman (Paris) et une autre de Rebecca Bournigault chez Frédéric Giroux (Paris). Mais l’entrain semble avoir fléchi après le vernissage. Malgré quelques exceptions comme les Le Gac vendus chez Thierry Salvador (Paris), les transactions sont restées souvent dans une fourchette modeste, en dessous de 2 000 euros. Magda Danysz (Paris) a ainsi cédé une trentaine d’œuvres à moins de 300 euros.
À se demander au final si dans une conjoncture économique crispée, Paris peut absorber quatre foires en deux semaines, entre Art Paris, le Pavillon des Tuileries et les deux salons du dessin. « La question est de savoir si l’on continue en parallèle du Salon du dessin ancien, s’interroge Laurent Boudier, co-organisateur du Salon du dessin contemporain. Les passerelles étaient marginales au fond, mais je serais triste d’abandonner cette période. » D’autant plus triste que cette manifestation apporte une vraie bouffée d’oxygène.
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La croisée des chemins
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : La croisée des chemins