La Biennale - Une foire pas banale

Par Armelle Malvoisin · L'ŒIL

Le 28 juin 2012 - 1141 mots

À côté des spécialités que sont le mobilier ancien, l’Art déco et l’art moderne, la Biennale des antiquaires offre un show artistique d’un incroyable éclectisme.

C'est l’événement de la rentrée à Paris. La Biennale des antiquaires, qui, comme son nom l’indique, a lieu tous les deux ans (les années paires), réinvestit le Grand Palais en septembre prochain. La fine fleur des antiquaires français, mais aussi étrangers, y déploie ses merveilles. « La Biennale est un rendez-vous incontournable du marché de l’art, différent des autres salons internationaux. On y fait plus de découvertes qu’ailleurs, les marchands s’appliquant à mettre des objets de côté pendant deux ans », souligne un professionnel. Un exemple ? Le Mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie (1660-1662), tableau perdu de Francisco de Zurbarán, peintre majeur du Siècle d’or espagnol, refait cette année surface sur le stand de la galerie genevoise Charly Bailly.

Le mobilier
Depuis la genèse de la manifestation en 1962, le mobilier y occupe une place majeure, à commencer par la création française du XVIIIe siècle. Aujourd’hui encore, les marchands français y exposent les fleurons de l’ébénisterie. Telle la maison Kraemer, qui offre une exposition de pièces de Jean-Henri Riesener (1734-1806), ébéniste du roi. Les meubles et objets Art déco sont aussi depuis longtemps une des composantes essentielles de la Biennale, qui s’est également ouverte au mobilier moderniste de l’après-guerre.
Et depuis le milieu des années 2000, plusieurs antiquaires proposent à la Biennale une redécouverte du XIXe, siècle prolifique dans tous les champs de la production artistique (meubles, objets d’art, sculptures, tableaux, céramiques…). En s’évertuant à défricher le secteur, ils comblent ainsi un « trou » historique.

La haute joaillerie
Outre l’art moderne où sont attendues quelques pépites, comme une nature morte de Cézanne exposée par la galerie suisse Krugier, de nombreuses spécialités accompagnent historiquement la Biennale, tels les livres anciens et modernes, les antiquités classiques, l’orfèvrerie, la numismatique et les souvenirs historiques. La haute joaillerie, autre symbole du savoir-faire français, est une spécificité de la Biennale. Depuis 1964, les grandes enseignes de la place Vendôme sont invitées et créent pour l’occasion de nouvelles collections prestigieuses, attirant une clientèle internationale. Enfin, les arts extra-européens, qui connaissent un regain d’intérêt depuis quelques années, ne sont pas en reste, à savoir les arts premiers, les arts d’Asie et les arts islamiques.

De la démesure
La Galerie Vauclair est spécialisée dans la production extraordinaire des céramiques artistiques de la seconde moitié du XIXe siècle – aussi appelées barbotines. Pour sa première participation à la Biennale, elle présentera les réalisations les plus spectaculaires de cette époque, qu’elles soient inspirées de la Renaissance ou par la reproduction naturaliste d’une faune des plus étranges, à l’instar de cette pièce monumentale. Destinée à l’ornementation d’un décor intérieur d’un hôtel particulier, cette colonne, illustrant par ses motifs répétés de serpents de mer entrelacés le monde fantastique et exubérant des Massier, rappelle l’atmosphère des fastueux jardins d’hiver tant appréciés sous le Second Empire.

Colonne aux serpents de mer,
vers 1890-1900, Jérôme Massier Fils, Vallauris (France), barbotine, glaçure bleu-noir. Hauteur : 1,75 m.

Prix : 85 000 e, Galerie Vauclair, Biennale des antiquaires 2012, Paris.

De l’insolite
Les monnaies et médailles ont toujours eu leur place
à la Biennale et ce, dès 1962 avec Émile Bourgey. Sa fille Sabine a repris le flambeau : « Nous commençons au
VIIe av. J.-C. jusqu’au début du XXe siècle, mais j’ai un faible pour les monnaies romaines. » Il lui arrive parfois de présenter des pièces moins classiques, comme cette
rare médaille de Lalique célébrant le centenaire du Chili, laquelle pourrait séduire des amateurs d’Art nouveau. Maître verrier et bijoutier français, René Lalique, qui
se rendit célèbre par ses créations de bijoux, de flacons
de parfum, de chandeliers..., réalisa aussi quelques médailles.

Médaille pour le centenaire de la république du Chili (1810-1910), René Lalique, argent. Dimensions :
4,3 x 6 cm. Sur l’avers : la République du Chili debout dans un champ de blé tenant un rameau. Sur
le revers : un paysage au-dessus duquel flotte
le drapeau chilien.

Prix : 3 200 e, cabinet Bourgey numismatique, Biennale des antiquaires 2012, Paris.

De l’exotisme
À partir des années 1860, l’Extrême-Orient, qui suscite un intérêt grandissant avec l’ouverture du Japon sur le monde occidental, devient une source d’inspiration dans les arts décoratifs. Ferdinand Duvinage mêle à cette époque le répertoire des formes classiques du XVIIIe à des motifs exotiques. Tel ce guéridon dont le charme et l’originalité doivent beaucoup au décor de son plateau : encadré par un petit arbre et un roseau, un coq, réalisé en marqueterie composée de huit essences de bois différentes, s’apprête à attraper une libellule, également en marqueterie. 

Guéridon de style néo-Louis XVI à décor japonisant (1874-1876), Ferdinand Duvinage (signé), pied en bois d’amarante, de citronnier
et bronze doré, plateau en ivoire, cuivre, bois précieux, monté sur un entourage en bronze doré. Hauteur : 75 cm, diamètre : 51 cm.

Prix : 185 000 e, Galerie Marc Maison,
Biennale des antiquaires 2012, Paris.

Du mystère
Que faisait ce coran dans la bibliothèque d’une femme catholique de sang royal ? Mystère. La nature de cet ouvrage, traduit de l’arabe en français par le sieur Du Ryer, associée à son exceptionnelle provenance, dont témoigne la reliure en maroquin vert aux armes de Madame Victoire, fille de Louis XV et de Marie Leszczynska, lui donne une qualité « Biennale » propre à susciter l’intérêt de curieux. Avant l’Alcoran (le Coran) en 1647, l’orientaliste français André Du Ryer avait traduit en 1634 Gulistan ou L’Empire des roses de Saadi, première traduction en Europe d’un classique persan.
Coran de Mahomet, imprimé à La Haye par Adrian Moetjens en 1685, 486 pages. In-12, reliure d’époque en maroquin olive, dos lisse orné de filets et fleurons dorés, pièce de titre rouge, filets dorés encadrant
les plats, armoiries dorées au centre, tranches dorées. Provenance : bibliothèque de Madame Victoire, fille de Louis XV.

Prix : 30 000 e, Librairie Chamonal, Biennale des antiquaires 2012, Paris.

Questions à ...François Hayem - Président de la commission d’admission de la Biennale

Quel est votre rôle à la Biennale ?
Je dirige les équipes de consultants qui vont examiner scrupuleusement, durant les deux jours précédant l’ouverture de la Biennale, les 11 et 12 septembre, tous les objets présentés sur les stands. Cette commission d’admission, également appelée vetting (à l’anglaise), regroupe près de cent professionnels français et étrangers dans diverses spécialités. Je suis moi-même membre de la commission en charge du mobilier des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, soit ma spécialité d’antiquaire. Je n’expose pas à la Biennale. Tous les participants, qu’ils soient ou non membres du vetting, sont soumis aux mêmes règles d’inspection des objets qu’ils exposent.
 
Quels sont les critères d’admission des œuvres à la Biennale ?
Il peut arriver qu’un objet soit retiré d’un stand s’il apparaît un doute sur son authenticité, sa provenance, si sa restauration est jugée excessive ou s’il n’est tout simplement pas qualitativement du « niveau Biennale ». La rareté est un critère très important. Il n’y a pas de prix plancher. Contrairement à certaines idées reçues, on peut trouver à la Biennale de beaux objets à des prix raisonnables.

Informations pratiques

XXVIe Biennale des antiquaires. Grand Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e, du 14 au 23 septembre 2012 de 11 h à 20 h, jusqu’à 23 h les 18, 20 et 22 septembre (fermeture à 16 h le 23 septembre). Tarif”‰: 30 €. Offre spéciale : 2 entrées 1 catalogue : 80 €. www.sna-france.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°648 du 1 juillet 2012, avec le titre suivant : La Biennale - Une foire pas banale

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