La XXIe Biennale des antiquaires qui s’est déroulée du 20 au 29 septembre au Carrousel du Louvre a montré la résistance du marché de l’art international face à la crise mondiale.
Les Européens se sont montrés acheteurs. Beaucoup d’exposants ont ainsi pu tiré leur épingle du jeu. Et restent dans l’attente de transactions futures...
PARIS - Le marché de l’art ne s’est pas écroulé à la XXIe Biennale des antiquaires qui s’est tenue du 20 au 29 septembre au Carrousel du Louvre. Quarante-huit heures avant l’ouverture, rien n’était pourtant joué, même si le Syndicat national des antiquaires (SNA) a renforcé sa communication internationale. Il est vrai que, cette année, la Biennale était ouverte à un tiers d’exposants étrangers. Cependant, beaucoup de professionnels demeuraient tendus. Dans une conjoncture boursière peu favorable aux affaires et un climat politique incertain au Moyen-Orient, les acheteurs américains seraient-ils présents ? Le marché allait-il bouder une marchandise qui manquait parfois de fraîcheur ? Car en ces temps difficiles de pénurie de morceaux de choix, un nombre plus important de pièces connues du marché – qu’il s’agisse d’objets récemment passés en ventes publiques ou des recalés de précédents salons – s’était fait remarqué sur certains stands, à l’instar du Rembrandt de la galerie Robert C. Noortman de Maastricht. Acquise 12,6 millions (12,7 millions d’euros) de dollars en début d’année chez Christie’s, la toile a finalement été vendue 12 millions de dollars au lieu des 18 proposés initialement.
On pouvait ne pas apprécier l’éclairage des allées, qui a tout de même coûté 200 000 euros, mais cela n’a pas empêché près de 7 000 personnes (un record de fréquentation) de parcourir les 113 stands le soir du vernissage. Très rapidement, l’espace de l’antiquaire parisien Bernard Steinitz a été élevé par le public au rang du décor le plus éblouissant de la Biennale. Si bien que les deux premiers jours d’exposition, il fallait faire la queue pour pénétrer l’enfilade de trois pièces somptueuses que l’antiquaire avait créée : une multitude d’objets d’art nichés sous une tenture de perles de verre multicolore brodées et sublimés sous le treillage d’une folie XVIIIe siècle ont trouvé preneurs.
Intérêt pour l’Art déco, succès pour les tableaux
Rien de tel qu’un joli décor d’époque reconstitué pour mettre en valeur de beaux objets. Le client transpose ainsi plus facilement une pièce qui lui plaît dans son propre intérieur. Les marchands d’Art déco avaient ainsi tous fait l’effort de créer des ambiances marquant leur goût et propices au commerce. La galerie Arc-en-Seine s’est montrée satisfaite de ses “bons résultats”. Elle présentait un grand canapé d’Eileen Gray et des luminaires de Giacometti dans un décor chaleureux de marqueterie de paille. Pierre Passebon de la galerie du Passage a cédé son gigantesque et sublime paravent de 4 x 8 m composé de 11 feuilles peintes par glacis de noir d’ivoire sur bois doré, ancienne propriété de Melle Chanel. Les objets signés Clément Mère, Georges Bastard et Simmen et O’Kin, collectionnés précieusement par les Vallois et merveilleusement mis en scène par le décorateur François-Joseph Graf, ont tous été vendus le premier jour. Le sort de la fastueuse salle de bain de Rateau, la pièce vedette chez Jean-Jacques Dutko, reste en suspens : deux clients, l’un européen, l’autre américain, se sont laissés quelques jours pour réfléchir. Dans l’ensemble, le mobilier du XXe siècle a retenu l’attention des acheteurs et ce malgré la défection d’une partie des collectionneurs américains.
La spécialiste du néoclassique, Ariane Dandois, qui habituellement réalise 90 % de son chiffre d’affaires avec les États-Unis, en a d’ailleurs un peu souffert. Elle a tout de même sauvé les meubles en cédant une partie de sa marchandise à des Suisses et des Belges. Elle compte par ailleurs se rattraper ce mois-ci à l’occasion de l’Armory Show, la foire new-yorkaise à laquelle elle participe (lire p. 31). Ses confrères du XVIIIe siècle, les Perrin, Maurice Ségoura et Didier Aaron sont restés très discrets sur leurs résultats tout en avouant qu’ils avaient obtenu plus de réservations que de transactions.
L’ambiance était plus détendue du côté des marchands de tableaux et de dessins. La galerie Berès, dont les œuvres de style nabi ont séduit les amateurs, mais aussi les galeries de Bayser et Éric Coatalem avaient amorti leurs frais dès le premier jour. Un autre antiquaire de ce secteur était rassuré et même amusé de constater que “les gens très riches sont toujours très riches”. Emmanuel Moatti y apportait quelques nuances : “Si l’art est devenu pour certains une valeur refuge, j’ai tout de même raté trois ou quatre affaires à cause du climat général, tant financier que psychologique. Il faut avoir l’esprit tranquille pour acheter.” Antoine Laurentin s’est réjoui du succès de son exposition monographique sur Jean-Émile Laboureur, qui occupait la moitié de son stand. Elle lui a permis de rencontrer une nouvelle clientèle. La majorité des peintures, dessins et gravures montrés font aujourd’hui partie de collections privées ou publiques comme les deux principales toiles cubistes de l’artiste négociées autour de 50 000 euros pour le compte d’institutions américaines. En revanche, une belle huile de facture impressionniste également signée Laboureur et représentant la Bourse de New York, peinte en 1907 soit deux ans après la construction du bâtiment, n’a pas trouvé preneur. Symboliquement, la toile avait un goût amer. De son côté, Stéphane Custot ne s’attendait pas à une si bonne biennale. Son Jeune Arabe flamboyant, un Van Dongen de 1910 emporté à plus de 3 millions d’euros, figure au nombre de ses ventes avec trois tableaux de Vuillard, une importante toile de Ranson, une grande peinture de Pissarro et une sculpture de Georges Minne. “Leur destination est européenne à 80 %”, a-t-il souligné. Pour le Français Cazeau-Béraudière et le Londonien Richard Green, qui ont surtout parlé de “contacts avec des personnes intéressées”, leur réussite commerciale va dépendre de la concrétisation de ventes après coup. C’est aussi la conclusion d’Hervé Aaron, porte-parole du SNA : “Si les options de réservations se confirment, cela sera une bonne biennale pour tout le monde."
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La Biennale tourne le dos à la crise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°156 du 11 octobre 2002, avec le titre suivant : La Biennale tourne le dos à la crise