Galerie

ART CONTEMPORAIN

Jean Zuber, le chant du signe

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 9 novembre 2021 - 523 mots

PARIS

Il souhaitait construire des ponts avec les cultures du monde entier. Son œuvre pictural, présenté à la Galerie Pascal Gabert, est une invitation au voyage dans des paysages mentaux.

Paris. Lorsqu’il a peint cette série d’œuvres – qui sera sa dernière –, entre 2016 et 2018, Jean Zuber, malade, avait fait promettre à Pascal Gabert, avec qui il travaillait depuis près de vingt ans, de la montrer même s’il mourrait. Le natif de Bienne (Suisse, en 1943, il vivait près de Paris) ne la verra donc pas accrochée, puisqu’il est décédé en 2019. Mais le galeriste, après des reports de date pour cause de pandémie, a tenu son engagement.

Cette exposition est donc un hommage et un joli coup de projecteur sur un artiste qui, discret, réservé, a peu connu de son vivant les feux de la rampe. L’ensemble des œuvres ici présentées (une petite trentaine au total), majoritairement composé de son ultime série mais complété par des toiles plus anciennes, datées du début des années 2 000, montre la continuité, la cohérence et la profonde intériorité de l’artiste. Celui-ci s’est nourri toute sa vie de ses nombreux voyages et rencontres, des Indiens Hopi en Arizona aux Dogons du Mali en passant par le Mexique, Wanganuï (Nouvelle-Zélande) ou le Cambodge et le Laos, pour inventer son vocabulaire constitué de lignes, de signes, de symboles. « Ils sont les plus petits dénominateurs communs, qui, comme un poème haïku, résument et sortent l’essence du sentiment que je peux ressentir », nous avait-il confié un jour. Et il ajoutait : « Ce qui m’intéresse avant tout, c’est la multiculture, les relations et les ponts qui existent entre les cultures du monde entier. Je suis simplement d’une ethnie qui regarde les autres ethnies », comme en témoignent les titres des toiles India, Le Caillou de Madagascar ou Haïku II, œuvre qui n’est pas sans rappeler les tables de divination des Dogons avec les traces laissées la nuit par le passage de renards. Car derrière ou plutôt au-dessus de tous ces signes entrelacés, enchevêtrés, pensés comme de véritables écritures, Zuber aimait dessiner des figures géométriques, des cercles, carrés ou angles divers que le spectateur ne lit que dans un second temps.

Dans un labyrinthe de signes

De même, il traçait des parcours, des cheminements comme une déambulation aléatoire à l’intérieur de labyrinthes de lignes, ou invitation à un voyage dans ces paysages mentaux ainsi que le suggère le titre « Diagramme de la pensée » donné à plusieurs toiles. Un cheminement qui suppose de passer du temps pour découvrir la très belle technique de peinture à l’huile, laquelle demandait également beaucoup de temps à Zuber pour parvenir à ces vibrations, à cette musique des lignes et des couleurs (une œuvre est d’ailleurs intitulée Pièce musicale [voir ill.]), à cette suspension des choses comme des notes sur une portée, de la même gamme de pensée que Paul Klee, François Righi ou Kenneth White – Zuber connaissait d’ailleurs bien ces deux derniers.

Entre 2 000 et 9 500 euros le tableau, les prix ne sont pas excessifs. Ils rappellent à quel point Zuber s’est peu soucié de son marché, lui préférant un rapport spirituel au monde.

Jean Zuber, I Am,
jusqu’au 4 décembre, Galerie Pascal Gabert, 11 bis, rue du Perche, 75003 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°577 du 12 novembre 2021, avec le titre suivant : Jean Zuber, le chant du signe

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque