Ventes aux enchères

ENTRETIEN

Jean-Pierre Osenat, commissaire-priseur : « Les meubles “Grand Siècle” ne doivent pas être bradés »

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 17 octobre 2019 - 876 mots

Le commissaire-priseur, devenu une référence dans le monde pour ses ventes thématiques consacrées à Napoléon, s’attaque à une autre spécialité : le mobilier et les objets d’art classiques, qu’il souhaite remettre au goût du jour à Versailles.

En quoi consiste votre nouveau projet à Versailles ?

J’aime qu’il y ait un concept derrière un projet. L’envie de s’installer à Fontainebleau s’accompagnait de l’idée de faire des ventes sur le thème de l’Empire, mais – et cela, c’était nouveau – de manière transversale, c’est-à-dire toutes disciplines confondues. Ainsi, dans la même vente, une arme côtoie une commode, une lettre, une mèche de cheveux. Mon installation à Versailles part de la même ambition. Pour y parvenir, deux nouveaux départements sont créés : « La Royauté », qui concerne les meubles et objets de provenance royale, et « Le Grand Siècle », réunissant les arts décoratifs des XVIIe et XVIIIe siècles. La première vente se déroule le 20 octobre avec 70 lots de grande qualité provenant d’une succession. J’aime monter de nouveaux projets. J’ai la chance d’avoir une équipe d’une trentaine de personnes, ce qui me permet de faire des choses que je n’aurais pas pu faire quand mon entreprise était petite. Alors maintenant, je suis mes rêves et tout me paraît possible. Je suis peut-être très ambitieux, mais au fond, qui ne tente rien n’a rien.

Pourquoi à Versailles ?

Il y a une logique certaine si l’on considère la maison de ventes à Fontainebleau, les bureaux à Paris, la salle des ventes à Chailly-en-Bière (Seine-et-Marne) pour les objets plus courants, notre département automobiles de collection…, une vraie synergie. Fontainebleau porte l’empreinte de Napoléon. Or, pour 90 % des gens du monde entier, Versailles, c’est l’image du Grand Siècle. Y acheter une commode Louis XV sera un label d’authenticité. Après plusieurs visites d’espaces, j’ai finalement jeté mon dévolu sur l’étude d’Éric Pillon, que j’ai reprise. Il reste attaché à l’étude et continuera de tenir le marteau pour les ventes de tableaux modernes. La salle, qui est située à 200 m du château, a été transformée et est davantage « connectée ». Les locaux sont très beaux et à la hauteur de ce que l’on va essayer de vendre, même si 70 % des clients n’y viendront jamais puisqu’ils passent par Internet et le téléphone.

Quand on a démarré les ventes à Fontainebleau, ce nom était mis en avant par rapport à celui d’« Osenat », car, dans l’esprit des gens, Napoléon est associé à Fontainebleau. Puis un jour, la tendance s’est inversée : Osenat est devenu une sorte de marque, nos clients ignorent si nous sommes à Paris, Fontainebleau ou ailleurs. Ils achètent chez Osenat parce que c’est une sorte de garantie pour eux. À Versailles, nous allons faire de même : mettre « Versailles » en avant, et peut-être qu’un jour « Osenat » prendra le pas.

Comment allez-vous procéder pour redonner ses lettres de noblesse au mobilier et objets d’art anciens, qui ne sont plus très à la mode ?

Le marché pour cette spécialité connaît, il est vrai, une certaine baisse. Pour autant, si on souhaite acquérir une pièce de qualité, les prix restent élevés. Quand on a commencé à Fontainebleau, les objets Empire ne valaient pas grand-chose. Mais à force, on a commencé à faire monter les prix. Or, quand les prix montent, les objets sortent ! Quand les Américains et les Chinois vont commencer à acheter leurs meubles, les Français prendront conscience qu’il ne faut pas les laisser partir et vont s’y intéresser. Comme à Fontainebleau, nous ferons vivre la salle des ventes autrement que par des coups de marteau et puis, dans les catalogues, nous allons mettre l’accent sur les ébénistes, qui sont de vrais artistes et n’ont rien à envier à la création contemporaine.

Je n’arrive pas avec une solution clés en main. On va y aller à tâtons, doucement. En tout cas, ce que je sais c’est que toute cette catégorie-là du marché ne doit pas être bradée. Je vois des commodes qui partent à 800 euros et cela m’attriste. Dans le même cas, moi je dis à mes clients de la garder.

Les affaires de faux meubles XVIIIe ont-elles entaché le marché ?

Cela se répercute sur une part très marginale de la population. Manifestement, ceux qui sont touchés par ces problèmes-là sont les clients de ces grands antiquaires, lesquels peuvent être inquiets. Mais nous, nous ne sommes jamais confrontés à cela car ce ne sont pas nos clients. Je n’ai pas de clients qui achètent des commodes à 5 millions d’euros !

Quelle clientèle ciblez-vous ?

C’est un constat : ce mobilier ne plaît plus aux Français et pourtant, 80 % des gens qui ont un peu de moyens sont meublés de cette manière. Je ne pense pas que demain les Français vont se remeubler de cette façon. Je ne pense pas y arriver même en allant à Versailles, ou alors cela va prendre du temps. Ce que je désire avant tout, c’est qu’il y ait un lieu où ce genre de mobilier puisse se vendre et cet endroit, je l’ai trouvé, il est à Versailles. Les gens auxquels je vais vendre ne sont pas en France mais à l’étranger, aux États-Unis notamment. La clientèle étrangère reste attachée au savoir-faire français dans le domaine de l’ébénisterie et des arts décoratifs du XVIIIe siècle.

« Grand Siècle »,
vente le 20 octobre, Osenat Versailles, hôtel des ventes du Château, 13, avenue de Saint-Cloud, 78000 Versailles.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°531 du 18 octobre 2019, avec le titre suivant : Jean-Pierre Osenat, commissaire-priseur : « Les meubles “Grand Siècle” ne doivent pas être bradés »

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