Défenseur de Simon Hantaï, de Support-Surface et des peintres américains des années 1950, le galeriste Jean Fournier s’est éteint à l’âge de 83 ans.
PARIS - Une pensée pour le galeriste Jean Fournier, défenseur de la première heure de Simon Hantaï, s’imposait sur Art Paris devant les enfilades d’œuvres de l’artiste français. Le clin d’œil cède la place au regret, avec l’annonce de son décès le 22 mars, à l’âge de 83 ans.
Après avoir fait ses armes comme libraire chez Galignani, Jean Fournier ouvre à Paris, en 1954, la librairie-galerie Kléber avec une exposition de Joseph Sima. L’année suivante, il présente Jean Degottex et Hantaï, alors proches du surréalisme, puis Georges Mathieu. Par l’intermédiaire d’Hantaï, il rencontre la colonie des Nord-Américains de Paris, Sam Francis, Jean-Paul Riopelle, Joan Mitchell et Shirley Jaffe, qu’il exposera à partir de 1964 dans son nouvel espace, rue du Bac. Suivent deux ans plus tard Daniel Buren et Michel Parmentier, puis Claude Viallat et les tenants de Support-Surface. Soucieux de mettre en correspondance les peintres français et américains, le marchand s’est aussi attaché à faire dialoguer les générations. Malgré l’hostilité ambiante pour le Centre Pompidou, cet homme discret prendra ses quartiers en 1979 rue Quincampoix, avant de retourner rue du Bac en 1999.
Foin du dédain hexagonal pour les peintres américains dans les années 1950 ou de l’enterrement programmé de la peinture dans les années 1990, Jean Fournier a défendu avec constance ce médium. « J’ai la conviction que la peinture a une peau et une chair. Avec le temps, la peau tombe et la chair devient visible : on voit le visage de la peinture. La peau, c’est la mode, le goût du jour, le profil », déclarait-il dans un entretien à la Revue d’histoire des arts. Son programme se définissait sans doute moins par une ligne que par des refus. « Il refusait le tableau de chevalet, de salon. C’était une galerie antibourgeoise, explique le philosophe Yves Michaud. Il refusait aussi la peinture matiériste. Il aimait la couleur matériellement non exprimée, comme disait Goethe dans son Traité des couleurs. La figure était aussi l’une de ses phobies. Il s’est séparé de bons artistes comme Alain Clément ou Dominique Gauthier, dès qu’il a senti l’imminence de l’image dans leur peinture. Il y avait enfin chez lui le refus de la préméditation, de la composition, du conceptuel aussi. »
« Lenteur et persévérance »
Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne, à Paris, rappelle que ses relations avec les artistes se conjuguaient sur le mode de « la lenteur et la persévérance », avec une volonté de donner du temps au temps. « Il considérait que ses artistes étaient des individus, et il ne travaillait pas avec vingt ou trente créateurs, comme c’est le cas dans d’autres galeries », souligne l’artiste Bernard Piffaretti. Mis à part Degottex et Riopelle, Jean Fournier a gardé avec tous ses artistes des liens profonds d’amitié. Mais c’est pour Hantaï qu’il aura l’attachement le plus fort, presque fétichiste. Seul bémol à un parcours pavé de cohérence et d’honnêteté, cet homme de l’ancienne France n’avait pas mesuré l’impérieuse nécessité d’un ancrage international de ses artistes.
Il reste à espérer que le Musée Fabre de Montpellier puisse lui rendre l’hommage qu’il avait prévu en février 2007. Un hommage à cinquante ans d’aventure abstraite en France. Une révérence aussi à un galeriste qui ne confondait pas histoire et marché de l’art. « Si l’on veut rentrer dans l’histoire à travers le prix demandé pour une œuvre, c’est la mort, affirmait-il. Non seulement du peintre, mais de l’art en général. On ne fait pas de la peinture pour vivre, on fait de la peinture pour risquer d’en mourir. » À méditer.
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Jean Fournier, un fidèle à la peinture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°234 du 31 mars 2006, avec le titre suivant : Jean Fournier, un fidèle à la peinture