À l’inverse de la Berlin Art Week dont le nombre de partenaires ne cesse de s’étendre, la foire Art Berlin Contemporary a cette année drastiquement réduit son nombre d’exposants et recentré son projet.
BERLIN - La « Berlin Art Week » a été conçue pour soutenir les foires d’art contemporain de Berlin, qui depuis la disparition du salon Art Forum en 2011, peinent à y attirer à l’automne les collectionneurs internationaux. Avec 50 partenaires institutionnels, privés et indépendants, et 120 événements, la Berlin Art Week s’est encore étendue cette année et a accueilli du 13 au 18 septembre plus de 100 000 visiteurs. ABC, la principale foire d’art contemporain, avait plus que jamais besoin de ce soutien.
Cette foire n’en finit pas de modifier son format et suit le chemin inverse de la Berlin Art Week, en réduisant drastiquement le nombre de ses participants : 63 galeries en 2016 (du 15 au 18 septembre), soit près de 40 en moins par rapport à l’an passé. Ces galeries étaient regroupées dans un seul hall d’exposition, alors que la foire avait occupé jusqu’à trois halls dans les éditions précédentes. Après le succès de l’édition 2014, ABC semblait pourtant enfin assumer l’an passé son rôle de foire commerciale. Ce nouveau revirement pour l’édition 2016 n’a pas manqué de susciter des inquiétudes : « Nous vivons les dernières heures d’ABC », estime un exposant, directeur d’une grande galerie berlinoise. Alors qu’ABC ne présentait cette année qu’une quinzaine de galeries internationales, la question de son éventuelle disparition était sur toutes les lèvres.
Pourtant, selon Maike Cruse, directrice d’ABC et du Gallery Weekend, cette réduction est assumée, pour cette initiative privée due à l’origine à une poignée de galeries influentes de Berlin. « ABC est un événement centré autour des artistes, c’est la réponse berlinoise au commerce de l’art. Ce n’est pas une foire classique, nous souhaitions cette année plutôt un salon d’art », explique-t-elle. ABC reste en effet fidèle à son concept ; elle met en avant des positions artistiques uniques, et souhaite privilégier la qualité sur la quantité. Et de fait, la qualité était au rendez-vous de cette 9e édition, avec par exemple la mini-rétrospective de Christopher Roth présentée par Esther Schipper, ou la famille de baigneurs sans tête peints par Andreas Schulze, chez Sprüth Magers. D’autres galeries présentaient des artistes établis ou montants tels qu’Erwin Wurm (König Galerie), Laure Prouvost (Carlier Gebauer), Saâdane Afif (Mehdi Chouakri).
La juxtaposition des œuvres de Tamina Amadyar et de Markus Selg sur les deux stands de la galerie Guido W. Baudach était aussi particulièrement réussie. Deux œuvres avaient été acquises avant même le vernissage par Outset Allemagne, un projet de mécénat privé. Il s’agit de l’installation vidéo L’Air du temps du collectif d’artistes de Dubaï GCC, (Kraupa-Tuskany), et d’une pièce de Dirk Skreber (Luis Campaña, Cologne, Berlin), qui seront offertes à la Neue Nationalgalerie de Berlin. La galerie Nächst St. Stephan présentait un bunker de la Seconde Guerre mondiale, conçu pour abriter une seule personne faisant le guet. Ce ready-made signé Daniel Knorr est un commentaire sur la tentation du repli identitaire par les sociétés actuelles, explique l’artiste. À la fin de la foire, la galerie était en négociation avec une institution pour l’acquisition de l’œuvre.
Les ventes ont été très variables selon les galeries. Plusieurs enseignes internationales ont déclaré avoir peu ou pas vendu, mais étaient satisfaites de l’audience médiatique et des contacts institutionnels noués pendant la foire. Elles réservaient toutefois leur jugement sur leur participation l’an prochain.
« Positions » prend date
La seconde foire de Berlin, « Positions », foire décidément nomade, change de lieu pour la troisième fois, et réduit sa surface d’exposition de moitié. Sur 3 000 mètres carrés, Positions accueillait aux mêmes dates qu’ABC un nombre d’exposants stable par rapport à l’an dernier, soit 74 galeries. D’après Heinrich Carsten, son directeur artistique, les galeries étaient déjà très satisfaites des ventes l’an passé, grâce à la nouvelle génération de collectionneurs berlinois qui déboursent entre 5 000 et 15 000 euros pour une œuvre d’art, ce qui confirme l’émergence d’un marché local. Le prix des œuvres présentées cette année allait de 500 à 78 000 euros. Avec une qualité accrue et une meilleure présentation, Positions annonçait cette année encore des ventes très satisfaisantes. La 4e édition est déjà en cours de préparation, annoncent les organisateurs. Si ABC venait à disparaître, cette foire montante ne pourrait toutefois pas porter à elle seule le rendez-vous de l’art de l’automne berlinois, malgré le soutien de la Berlin Art Week. Pour la 10e édition d’ABC, les organisateurs, qui ne laissent cependant rien filtrer de leurs projets, pourraient une nouvelle fois revoir entièrement le concept de la foire.
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Inquiétudes sur le sort d’ABC
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Inquiétudes sur le sort d’ABC