Inde - Foire & Salon

Foire d’art contemporain

India Art Fair, une foire régionale

NEW DELHI / INDE

Principale vitrine de l’art contemporain du sous-continent indien, la foire de New Delhi accompagne les mutations de cette scène artistique, tout en se professionnalisant.

Vue de l'édition 2023 d'India Art Fair. © India Art Fair
Vue de l'édition 2023 d'India Art Fair.
© India Art Fair

New Delhi. Pour sa 14e édition, India Art Fair (IAF) a rassemblé plus de 70 galeries, indiennes pour la plupart, ainsi qu’une dizaine d’institutions privées au NSIC, parc d’exposition situé au sud de la capitale, du 9 au 12 février. Le nombre limité de galeries internationales (Continua, Marc Straus, Aicon et Grosvenor, entre autres) contraste avec la visibilité des sponsors occidentaux, BMW et Apple en tête, qui ont tous deux développé des projets artistiques en partenariat avec la foire. À noter toutefois que plusieurs galeries indiennes se sont internationalisées via le circuit des foires Art Basel et Frieze (Chemould Prescott Road, Experimenter, Nature Mort, et Vadehra) et l’ouverture de succursales (DAG à New York).
La photographie s’est distinguée grâce à la présence de Photoink et Wonderwall, deux galeries spécialisées. Sur son vaste stand, Photoink a mis en valeur un panel varié de photographes, du photojournaliste Raghu Rai, adoubé par Henri Cartier-Bresson, à la photographe Ketaki Sheth. Le stand de Museo Camera (Gurugram), musée consacré à l’histoire de la photographie en Inde, complète opportunément cette mise en avant.

La présence d’artistes femmes a été particulièrement notable : aux côtés de Shilpa Gupta (Continua, Vadehra), Nalini Malani (Vadehra) et Reena Saini Kallat (Nature Morte), déjà connues en Occident, des talents émergent comme Sumakshi Singh (Exhibit 320), Tanya Goel (Nature Morte) ou Anne Samat (Marc Straus), actuellement exposée à la Biennale de Kochi-Muziris.

Des artistes LGBTQ en Inde
La question du genre a été également abordée par plusieurs artistes hommes. T. Venkanna (Maskara, Aicon) dénonce la discrimination sexuelle au sein de la société indienne à travers des représentations sexuellement explicites. Rohit Chawla (Art Alive) a présenté une série de photographies sur la dimension politique des cheveux (« politics of hair ») par solidarité avec le sort des femmes iraniennes. En parallèle, la foire a organisé une discussion sur la question queer (« Queer voices in art ») avec trois artistes LGBTQ : Priya Dali, Aroh Akunth et Chathuri Nissansala.

Vue de l'édition 2023 d'India Art Fair. © India Art Fair
Vue de l'édition 2023 d'India Art Fair.
© India Art Fair

Les œuvres textiles avaient la part belle sur de nombreux stands de la foire, fruit d’une relecture du patrimoine indien par divers artistes contemporains. Cet intérêt est cultivé par des initiatives privées comme le Delhi Crafts Council et l’activisme d’importants collectionneurs telle Lekha Poddar, fondatrice de la Fondation Devi Art. La galerie Experimenter (Calcutta, Bombay) s’illustrait particulièrement avec les œuvres textiles de Lakshmi Madhavan, Kallol Datta et Kanishka Raja. Sumana Som (Dhi Artspace) et Gurjeet Singh (Chemould Colab) se sont également distinguées, esquissant un dialogue original entre arts textiles et indianité. Même s’ils étaient relativement plus rares, les artistes non régionaux étaient aussi présents : on pouvait ainsi voir des œuvres d’Alicja Kwade, Lorenzo Vitturi, Sarah Meyohas (Nature Morte), Michelangelo Pistoletto, Kiki Smith, Ai Weiwei (Continua), Roger Ballen (Photoink), Rachid Koraïchi (Aicon) et Julien Segard (Experimenter), artiste français installé à Goa récemment distingué par la Fondation Serendipity Art.

Dans l’ensemble, la plupart des prix étaient compris entre 5 000 et 75 000 euros : Art District XIII a vendu une toile de Smitha GS pour 8 000 euros, Nature Morte une œuvre de Reena Saini Kallat pour 22 000 euros, et Chemould Prescott Road une sculpture de N. S. Harsha pour 62 000 euros. Ce segment de marché intègre la plus grande partie des transactions.

Quelques modernistes et des stars contemporaines
Les prix sont sensiblement plus élevés pour les stars contemporaines à l’image de Subodh Gupta et d’Anish Kapoor. Les modernistes indiens dépassent également les 100 000 euros, même si l’on constate d’importantes variations de prix en fonction de la période et du genre des œuvres (portrait, paysage, œuvre sur papier, etc.). Alors que s’ouvre la rétrospective parisienne de Sayed Haider Raza (1922-2016) au Centre Pompidou, ses œuvres sont plutôt rares, à la différence de celles de son contemporain, Francis Newton Souza (1924-2022). La galerie Dhoomimal a rapporté avoir vendu une nature morte de Souza pour un peu moins de 100 000 euros. Quant à Maqbool Fida Hussain (1915-2011), la galerie Crayon Art proposait un ensemble de 6 de ses toiles de 2010 disposées verticalement pour former une fresque monumentale d’une dizaine de mètres de hauteur (pas de confirmation de vente, ni de prix). La galerie Archer offrait de son côté une sérigraphie de grand format (édition 16/100) de l’artiste pour 7 700 euros.

Jaya Asokan, directrice d’Indi Art Fair, confirme que la majeure partie du chiffre d’affaires de la foire est constitué par les ventes d’art contemporain (en volume et en valeur). L’art moderne reste l’apanage des maisons de ventes. Christie’s, Sotheby’s, Saffronart et Pundole’s ont opportunément profité des quatre jours de la foire pour présenter les principaux lots de leurs prochaines ventes d’art moderne d’Asie du Sud.

Selon la quinzaine de galeries consultées, les ventes sont satisfaisantes et dans la dynamique commerciale lancée en 2022. Plusieurs galeries soulignent en outre la qualité supérieure des œuvres proposées, sachant que cette 14e édition a été organisée dix mois après la précédente, repoussée à cause de la pandémie. Le Dhaka Art Summit et le vernissage de la Biennale de Sharjah programmés en amont de la foire ainsi que la continuation de la Biennale de Kochi-Muziris ont également permis de faire venir plus de visiteurs internationaux qu’en 2022.
 

Précision

(*) Le titre original de l’article est « India Art Fair, une foire très locale »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°605 du 17 février 2023, avec le titre suivant : India Art Fair, une foire très locale

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