Ils sont tous nés (ou presque) dans les années 1970 et 1980 et se font déjà remarquer par leur travail. Sélection des quinze artistes « émergents » qu’il faut repérer cette année pour mieux les suivre ensuite…
Emmanuel Lagarrigue, né en 1972, France
Ce projet inédit au titre mystérieux est le symbole de la nouvelle collaboration entre cet artiste et la galerie de Guillaume Sultana, qui lui offre parallèlement un solo show dans ses murs. Entre le Louvre et la Concorde, ce sont onze poutres de chêne massif qui nous transmettent en morse cette phrase de Lyotard. Il s’agit d’une réponse à la vaste question : « Qu’est-ce que philosopher ? » Beau programme pour cette œuvre monumentale et délicate qui sculpte autant la parole que la matière noble du bois, un jeu d’équilibre sur des miroirs, dialogue subtil avec le cadre majestueux des Tuileries et le promeneur méditatif.
Galerie Sultana (jardin des Tuileries)
Lili Reynaud-Dewar, née en 1975, France
Auréolée d’une grande monographie au Magasin de Grenoble, Lili Reynaud-Dewar propose une œuvre complètement inédite pour la Fiac, un ensemble qui pose une réflexion complexe et fascinante sur la fabrication du corps de la femme. La jeune artiste, livrée aux mains expertes de son assistante, analyse avec finesse les incidences du faire et de la pensée dans une œuvre ouverte aux collaborations.
Galerie Mary Mary (secteur Lafayette)
Marc Bauer, né en 1975, Suisse
Nominé au prix de dessin Daniel et Florence Guerlain, le Suisse Marc Bauer développe une œuvre au crayon faite d’images qui se réfèrent à l’histoire, à l’actualité ou à sa vie personnelle. Celles-ci font l’objet d’un travail de reproduction sur lequel l’artiste revient sans cesse à grand renfort de gommages et de floutages jusqu’à ce qu’elles gagnent leur totale singularité. Il en résulte un dessin quasi abstrait, brouillé, qui réalise la fusion entre matière et fond.
Galerie Freymond-Guth (stand 1.G20)
Stéphanie Cherpin, née en 1979, France
De la ville, Stéphanie Cherpin préfère la périphérie au centre. Elle en aime plus particulièrement les zones en chantier, le chaos et la poétique qui les caractérisent. Toujours hybrides, souvent monumentales, ses sculptures s’apparentent à tous ces amas matériels qu’on y trouve. Leur force réside dans ce qu’elles suggèrent de dynamique, de tension, d’obstacle, voire de danger, invitant le spectateur à appréhender l’espace dans une confrontation physique et mentale dont il ne sort pas indemne. Elle présente à la Fiac une nouvelle version de Heaven Is a Truck, une œuvre réalisée l’an passé au Confort Moderne, faite de pierres, de portes, de cordes, de métal et de peinture : impressionnante et inquiétante à la fois.
Galerie Cortex Athletico (stand 1.H11)
Dewar & Gicquel, nés en 1976 et 1975, Royaume-Uni et France
À la tradition du ready-made inaugurée par Duchamp, le duo anglo-français Daniel Dewar et Grégory Gicquel a choisi de répliquer par le ready-handmade. S’appuyant sur des modèles populaires, ils ont refait main toutes sortes d’objets industriels et taillé dans le marbre certaines icônes de notre société. Réflexion sur la sculpture, leur art en appelle à des matériaux bruts autant qu’hybrides ou massifs.
Galerie Loevenbruck (stand 1.F12)
Diogo Pimentão, né en 1973, Portugal
La pratique du dessin telle que Diogo Pimentão l’aborde se distingue par les protocoles de travail qu’il met en œuvre et l’usage qu’il fait du graphite. Chez lui, le dessin n’a plus rien à voir avec une quelconque intention de représentation, mais procède d’actions performatives au cours desquelles il prend en compte ce qui advient sans préalable. Il en résulte un travail fondé sur les notions de traces, d’accidents et d’imprévus qui sont autant de témoins des rapports du corps à l’œuvre et de la matière. Dès lors, celle-ci prend toutes sortes de formes, qu’elles soient simplement graphiques, voire faites de poussière ou d’éclats, instruisant le dessin à l’ordre de la sculpture.
Galerie Yvon Lambert (stand 0.B20), Schleicher Lange (stand 1.G08)
Jorge Pedro Nuñez, né en 1976, Venezuela
Au jeu de l’appropriation et du détournement, Jorge Pedro Nuñez, Vénézuélien installé à Paris qu’on a vu à « Dynasty », est passé maître. Tout en demeurant fidèle à son amour pour l’art géométrique abstrait, il érige d’imprévisibles et incongrus assemblages qu’il transforme en de véritables monuments urbains, interrogeant au passage le statut, la nature et la fonction de l’œuvre. Entre hommage et impertinence.
Galerie Crèvecœur (stand 1.G17)
Nicolas Milhé, né en 1976, France
Présent avec une meurtrière dans le jardin des Tuileries, Milhé prête à la Grande Galerie de l’évolution du Museum d’histoire naturelle deux spécimens de moutons mérinos. Mais pas n’importe lesquels. Inspirés des lubies de madame de Pompadour, qui fit dorer les cornes des animaux qu’elle laissait paître dans le jardin de l’Élysée, ces moutons nous emmènent, avec cette révision historique, sur les routes des passions du pouvoir. Une petite critique en passant des canons écologistes tapis derrière les appels répétés au « retour à la nature » ? À vous de voir.
Galerie Samy Abraham (Grande Galerie de l’évolution, Muséum d’histoire naturelle)
Kehinde Wiley, né en 1977, États-Unis
S’étant fait connaître aux États-Unis pour un portrait équestre kitsch de Michael Jackson, Kehinde Wiley est un « superlatif vivant ». Fasciné par le luxe et la grandiloquence des symboles de la domination masculine occidentale, il puise dans l’histoire de l’art (Titien, Van Dyck, Ingres…) pour portraiturer des « boys » charismatiques saturés d’ornementations arborescentes. Derrière la virtuosité esthétisante se cache un sous-texte politique : il offre aux minorités « invisibles » (jeunes Noirs et métis de banlieues défavorisées) une mise en scène hyperbolique qui leur est en général refusée dans une Amérique WASP.
Galerie Daniel Templon (stand 0.C17)
Gyan Panchal, né en 1973, France
Il faut toujours lire la composition des œuvres simplissimes de Gyan Panchal. Car Dhrso, avec son équilibre précaire, interroge autant le mur auquel elle doit sa stature que sa matière. Le bitume de Judée qui imprègne sa surface a une longue histoire derrière lui, de la haute Antiquité aux premières images de Nicéphore Niépce. Matière naturelle contre composite pétrochimique, Panchal cultive les antagonismes et les récits dans un rapport de force physique tout en retrait et simplicité. L’œuvre était d’ailleurs une des pièces maîtresses de « Pour un art pauvre » au Carré d’art de Nîmes, l’an dernier.
Galerie Frank Elbaz (stand 1.F07)
David Adamo, né en 1979, États-Unis
Ces sculptures de bois, grignotées jusqu’au point de rupture, sont signées d’un jeune Américain installé à Berlin. À peine montré en septembre à la galerie, le voici à la Fiac avec ce groupe intrigant de monolithes évidés, attaqués par le ciseau à bois. Ils tiennent en équilibre dans l’espace, mais s’affirment avec force, portant les stigmates d’une sculpture performative, agressive et paradoxalement retenue. Au bord de la destruction.
Galerie Nelson-Freeman (stand 0.C31)
Gedi Sibony, né en 1973, États-Unis
Jeune star montante de la scène américaine et exposé au Frac Champagne-Ardenne en 2009, Gedi Sibony est un adepte de la décroissance plastique. Avare d’effets et de gestes, il a radicalisé sa pratique de la sculpture pour maximiser l’expérience de l’espace d’exposition. C’est peu dire que la galerie américaine fait un sacré pari en dédiant son stand à une œuvre austère et exigeante.
Galerie Greene Naftali (stand 0.C11)
Eva Nielsen, née en 1983, France
Elle dit se sentir tout à la fois peintre et photographe, et son monde offre à voir des motifs entre épiphanie et disparition. Eva Nielsen soumet notre regard à l’exercice d’une réflexion sur la question de la perception. Ses images – paysages naturels et urbains – ont quelque chose d’impalpable et n’existent que dans un troublant entre-deux.
Galerie Dominique Fiat (stand 1.H13)
Loris Gréaud, né en 1979, France
En attendant son occupation simultanée du Musée du Louvre et du Centre Pompidou en mai 2013, Loris Gréaud, jeune vedette de la scène française autant admirée que détestée, présente à la foire une pièce totalement inédite : une sculpture monumentale qui s’apparente à quatre chandeliers en Plexiglas électrifiés. Ces colonnes de néons pourraient être les éléments d’un décorum de film de science-fiction. Gréaud, poursuivant sa démarche consistant à réinventer l’art comme science-fiction au présent, montre un objet léché équivoque qui, en s’inscrivant dans le registre de la métamorphose des choses, vient questionner la nature même de celui-ci.
Galerie Yvon Lambert (stand 0.B20)
Betty Tompkins, née en 1945, États-Unis
Betty Tompkins, figure émergente ? Oui, en ce sens que la production de cette New-Yorkaise a été censurée durant de nombreuses années et qu’elle est de retour sur la scène artistique depuis peu. Ses peintures trash, représentant depuis 1969 des coïts en gros plan, ont même été retenues en 1973 à la douane française. En 2003, Tompkins a été inclue dans la sélection de la Biennale de Lyon, ce qui a attiré une nouvelle attention sur son travail. Son galeriste Rodolphe Janssen dévoile ses Kiss Paintings à l’impact graphique troublant. En même temps qu’elle questionne l’image pornographique, cette artiste fabrique une imagerie glissant subtilement du figuratif à l’abstrait, les close-up ayant tendance à déréaliser l’acte sexuel pour se faire agencements géométriques. Les prix vont de 10 000 (dessins) à 60 000 euros (peintures).
Galerie Rodolphe Janssen (stand 0.B04)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°651 du 1 novembre 2012, avec le titre suivant : Ils sont la Fiac des émergents