Illustres ouvrages

La collection de François Ragazzoni aux enchères

Le Journal des Arts

Le 2 mai 2003 - 820 mots

Le collectionneur monégasque François Ragazzoni confie 335 livres fabuleux anciens et modernes à la SVV Tajan, qui les propose aux enchères les 13 et 14 mai prochains à Paris, au Four Seasons Hotel, George-V.

PARIS - François Ragazzoni, richissime homme d’affaires, conseil en marketing à Monte-Carlo, a collectionné les plus beaux livres anciens et modernes qu’il a pu trouver sur le marché. “Je suis abonné aux catalogues de ventes de Drouot, Sotheby’s et Christie’s et à la Gazette de l’hôtel Drouot. J’achète par conséquent en vente publique. Mais j’ai aussi beaucoup acquis de gré à gré, ainsi que chez les libraires”, explique courtoisement ce monsieur âgé de 79 ans. Selon le libraire Claude Blaizot, l’expert pour la dispersion de la collection, organisée par Jacques Tajan : “François Ragazzoni était client de mon père. Et quand celui-ci est décédé en 1974, j’ai pris la suite. Parmi les livres modernes illustrés, presque la moitié fut achetée chez nous.”
Réunie en trois catalogues, la description des 335 lots a de quoi émerveiller les bibliophiles et amateurs de littérature française des XIXe et XXe siècles, ainsi que les admirateurs d’atlas géographiques, de livres de voyages ou d’ouvrages recensant tout le savoir du Siècle des lumières. Les livres du XXe siècle, uniquement en éditions originales numérotées et sur papier luxueux, la plupart illustrés par les plus grands artistes, souvent avec des suites ou des envois de l’illustrateur, ont généralement été reliés par les plus grands noms du métier. “J’ai surtout acheté de beaux livres, dans des reliures exceptionnelles”, réplique tout simplement le collectionneur. Le commissaire-priseur Jacques Tajan, qui séjourne souvent à Monte-Carlo, l’a parfois conseillé, raconte-t-il encore.
Suivant l’ordre chronologique des publications, le premier catalogue, comportant 52 Livres anciens et romantiques de 1490 à 1875, rassemble ce qui est beau et cher, sans une ligne directrice apparente. Notons Los Caprichos de Goya, 80 eaux-fortes publiées en 1799, un ensemble estimé 100 000 euros, dont le marchand allemand Helmut Rumbler, spécialiste des maîtres anciens de la gravure, vendit un exemplaire enrichi de cinq  épreuves à la dernière Foire de Maastricht pour 400 000 euros. Parmi les atlas géographiques, trois lots remarquables : celui de Johannes Blaeu en douze volumes, estimé 150 000 euros ; celui de Janssonius en dix volumes, publié en 1658, estimé 185 000 euros, et celui de Cassini de 1792, en trois volumes, estimé 15 000 euros. La description des tribus indiennes de l’Amérique du Nord par M’Kenney et Hall, publiée de 1837 à 1844, comportant 120 lithographies, fait partie des livres de voyages les plus précieux. Son estimation est de 38 000 euros.

Belles reliures et illustres illustrateurs
Dans un autre registre, mais toujours à un haut niveau bibliophile et décoratif, on remarquera la première édition des Fleurs de Redouté, publiée en 1827 et estimée 21 000 euros, ainsi que ses Roses en troisième édition (celle de 1828), avec 183 planches en couleurs si finement gravées, estimée 75 000 euros.
Le deuxième catalogue de 136 lots, rassemblant les Editions originales de 1872 à 1990, démarre très fort avec Alcools d’Apollinaire, publié en 1913, enrichi en frontispice d’un portrait de l’auteur par Picasso et d’un envoi d’Apollinaire à Jean Sève. Il s’agit de l’exemplaire n° 8/23 sur papier de Hollande, anobli par une reliure de Paul Bonet. D’où son estimation de 30 000 euros. Céline est notamment représenté avec la première édition de son roman, Voyage au bout de la nuit, paru en 1932. Cet exemplaire, un des premiers numérotés (n° 8/20) sur papier vergé d’Arches, est estimé 30 000 euros. Après la folie des ventes Breton, on observera attentivement le résultat d’un des livres fondateurs du surréalisme, Les Champs magnétiques, par Breton et Soupault, paru en 1920, avec une illustration de Picabia. Pour l’exemplaire d’André Breton, la SVV Calmels Cohen a obtenu 12 000 euros prix marteau. 3 000 euros sont attendus pour celui de François Ragazzoni.
Les Livres illustrés de 1885 à 1983, quasiment toujours conservés dans des reliures exceptionnelles, constituent le troisième catalogue. On y trouve La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars, illustré en couleurs simultanées de Sonia Delaunay-Terk en 1913. L’exemplaire n° 38/114 sur Japon, dans une chemise peinte à la main par l’artiste, est estimé 30 000 euros. La Treille muscate de Colette (1936) comporte 36 eaux-fortes par Dunoyer de Segonzac, dont 13 hors texte, ainsi qu’un envoi de Segonzac et un grand dessin original signé. Son estimation s’élève à 60 000 euros. “J’ai un faible pour ce garçon”, dit François Ragazzoni en parlant de Segonzac, ce qu’il ne l’a pas empêché d’acquérir des livres illustrés par Dufy, Picasso, Matisse ou Chagall.

COLLECTION FRANCOIS RAGAZZONI

Vente les 13 et 14 mai, SVV Tajan, Four Seasons Hotel, George-V, 31, av. George-V, 75008 Paris, tél. 01 53 30 30 30. Exposition sur rendez-vous chez l’expert Claude Blaizot jusqu’au 9 mai, tél. 01 43 59 36 58 ; exposition publique au Four Seasons Hotel, George-V, les 13 et 14 mai, 11h-12h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°170 du 2 mai 2003, avec le titre suivant : Illustres ouvrages

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