Analyse

Ici Londres

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 4 février 2005 - 579 mots

La capitale britannique s’est construit une spécificité en art moderne et contemporain grâce à ses ventes à thème.

En février, Londres est le point de mire des collectionneurs d’art moderne et d’art contemporain. Place forte financière, la ville a connu un essor extraordinaire au cours des dix dernières années. Bien que la Grande-Bretagne soit aussi assujettie à la TVA à l’importation et à la taxe sur la plus-value, la pression fiscale sur les revenus y est moins forte qu’en France. Ce dernier facteur n’a pas pour autant suscité un vrai vivier de collectionneurs.
La spécificité londonienne en art moderne s’est construite autour des ventes à thème, du surréalisme à l’art allemand en passant par l’art italien. Même si en termes de volume de transactions Paris domine le marché surréaliste, en termes de chiffre d’affaires Londres arrive en tête, avec 41 % des ventes (source Artprice). Les vacations britanniques rallient des œuvres jugées « littéraires » aux États-Unis où prime l’impact visuel. Les maisons de ventes ciblent d’ailleurs principalement les acheteurs européens et la moyenne de prix s’avère plus accessible. Dans la vacation d’art moderne du 7 février chez Christie’s, on repère un dessin de Seurat, Paysans aux champs, estimé 150 000-200 000 livres sterling (220 000-290 000 euros). Valorisée dans une evening sale à Londres, cette feuille n’aurait pas pu s’insérer dans une vente du soir à New York car sa valeur est trop faible. Reléguée dans une vente de jour, elle aurait été noyée dans la masse. La place britannique est aussi l’exutoire pour les doublons. En juin dernier, Sotheby’s a ainsi envoyé à Londres une Carafe et plant de tomates de Picasso, issue de la collection américaine Fran et Ray Stark, pour éviter qu’elle ne s’entrechoque avec un autre Plant de tomates, provenant de la Greentree Foundation, cédé en mai à New York.
Un autre impératif guide les maisons de ventes : battre le fer tant qu’il est chaud. D’où le Pâtissier de Cagnes (3-4 millions de livres, soit 4,3-5,8 millions d’euros) de Soutine en couverture du catalogue de Christie’s, quand Sotheby’s a réalisé le record de 6,7 millions de dollars (5,2 millions d’euros) en novembre à New York. La présence de deux Picasso tardifs est quant à elle dictée par le chapelet des prix élevés enregistrés en novembre. Il n’est pas non plus anodin de relever quatre pièces de Maurizio Cattelan dans le catalogue de Sotheby’s du 10 février, après les 3 millions de dollars (2,3 millions d’euros) engrangés en novembre dernier pour la Nona Ora. Ce record motive sans doute l’estimation corsée de 600 000-800 000 livres sterling (869 000-1,2 million d’euros) pour Charlie Don’t Surf de l’artiste italien, vendu par le collectionneur Pier Luigi Mazzari.
Londres, qui accueille des antennes des galeries Gagosian, Hauser & Wirth et Spruth Magers Lee, concentre aujourd’hui 24,3 % du marché contemporain en ventes publiques. Le 24 juin 2004, Christie’s avait d’ailleurs réalisé dans cette spécialité sa meilleure vente londonienne avec un total de 14 millions de livres. Un résultat qui lui permet des prévisions coquettes de 15,3 à 22 millions de livres sterling pour la dispersion du 9 février. Si la capitale britannique garde le cap avec l’art moderne et l’art contemporain tout en dominant le segment des tableaux anciens, elle a vu ses parts de marché en photographie passer de 23,3 % en 2003 à 9,9 % en 2004. Les ventes d’art contemporain comptent d’ailleurs peu de photos des ténors du marché, aujourd’hui réservées au bingo new-yorkais.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°208 du 4 février 2005, avec le titre suivant : Ici Londres

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