Entretien

Gwénolée et Bernard Zürcher, codirecteurs de la galerie Zürcher, à Paris

« À New York, nous avons découvert de vrais collectionneurs »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2007 - 743 mots

La galerie Zürcher, créée en 1992 à Paris, fête ses quinze ans d’activité. En février 2008, Gwénolée et Bernard Zürcher inaugureront une seconde enseigne sur Bleecker Street, à New York.

Vous allez ouvrir prochainement une seconde galerie à New York. Pourquoi ce choix ?
Au bout de quinze ans d’activité, nous nous sommes rendu compte que la situation en France s’était fortement dégradée. Le rapport Quemin, qui a fait scandale en 2001, est tout à fait vrai. Aucune galerie française n’est aujourd’hui capable d’assurer une carrière internationale à un artiste de la scène hexagonale. Les positions qu’occupent certains créateurs à l’étranger sont redevables à des interventions extérieures et non à des promoteurs français. Or lorsque nous avons ouvert notre galerie voilà quinze ans, nous étions dans une utopie. Nous avons voulu faire des choix dans la durée, ne pas répondre aux sollicitations du marché mais être créateur de marché pour nos artistes. Aujourd’hui, le marché impose des lois financières. Nous avions découvert Elisa Sighicelli en 1999 et elle est aujourd’hui chez [Larry] Gagosian [galeriste de New York]. Emmanuelle Antille est partie chez Eva Presenhuber [à Zurich]. Le projet de New York va nous donner une chance ainsi qu’à nos artistes d’exister davantage sur le plan international. Nous avons déjà commencé à le faire avec les foires Pulse à Miami et à New York, mais il s’agit d’actions ponctuelles, isolées. L’idée de la galerie new-yorkaise est d’avoir une permanence. Nous sommes arrivés à un moment de notre histoire où nous avons l’âge et l’énergie de poursuivre l’aventure.

Pourquoi ne pas avoir ouvert dans le quartier de Chelsea ?
À Chelsea, nous aurions été absorbés. Nous aurions dû monter en étage. Là, nous nous donnons une chance d’exister. Nous sommes situés tout près de la galerie Jeffrey Deitch et du New Museum, qui va créer un pôle. La galerie Lehmann Maupin ouvrira dans le même coin en février, comme « Salon 94 ».

Le pari n’est-il pas risqué ?
Les Américains nous ont prévenus : si la galerie ne prend pas en deux ans, il faut rentrer ! Mais nous avons reçu de vrais encouragements de la part des collectionneurs américains, qui représentent d’ailleurs 40 % de notre clientèle actuelle. À New York, nous avons rencontré des gens qui en ont ras-le-bol des artistes formatés, customisés, et cherchent des galeries qui présentent autre chose. Nous avons découvert de vrais collectionneurs que l’on trouve de moins en moins à Paris. Le profil des Français a changé. Ils sont devenus plus spéculateurs qu’amateurs.

N’est-il pas trop tard pour imposer certains artistes aux États-Unis ?
Le coche a été raté pour une génération d’artistes qui ont plus de 50 ans. Les plus jeunes, comme Mathilde Rosier ou Gilles Saussier, sont encore dans la course. Nous ne cherchons pas la course des prix, mais que leurs œuvres soient prises en compte. Nous inaugurons en février avec l’artiste genevois Michel Huelin. Il va avoir une exposition personnelle en 2008 au Musée de Cleveland (Ohio), une proposition ayant découlé de notre participation à Pulse en février dernier. Nous n’aurions jamais pu susciter ce projet à partir de la France.

Comptez-vous aligner vos prix sur les normes américaines ?
Les prix dépendent de la carrière des artistes. Le marché de Marc Desgrandchamps est certes plus porteur depuis l’exposition organisée par le Centre Pompidou en 2006. Il est dans la collection de Frieder Burda. En février, nous avons vendu quinze de ses tableaux à des Américains. Mais il n’est pas question de doubler les prix du jour au lendemain. Nous militons pour un marché justifié et non pas artificiel. Le marché français n’est pas en phase avec celui international. À l’échelle mondiale, nous sommes régionaux, donc nous pratiquons des prix locaux.

Le ministère de la Culture avait annoncé en octobre 2006 un projet d’aide aux galeries et maisons de ventes étrangères s’installant à l’étranger. Qu’en pensez-vous ?
Nous ne demandons pas un centime d’aide. Il faut séparer les choses. En revanche, il est de la responsabilité de l’État d’offrir des outils de visibilité aux professionnels. La Foire internationale d’art contemporain (FIAC) a pu retourner au Grand Palais depuis deux ans, mais elle ne dispose que de la portion congrue. Entre-temps, d’autres foires ont pris des parts de marché. Il est aussi scandaleux que les travaux du Palais de Tokyo n’avancent pas pour créer un musée. Les collectionneurs étrangers nous disent que, pour eux, l’Hexagone est un trou noir, alors qu’ils connaissent la scène artistique en Angleterre ou en Allemagne. La solution ne peut venir que de chez nous.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°269 du 16 novembre 2007, avec le titre suivant : Gwénolée et Bernard Zürcher, codirecteurs de la galerie Zürcher, à Paris

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