Entretien

Guy Loudmer, commissaire-priseur, consultant pour la vente Vérité

« Paris, lieu incontournable pour les arts primitifs »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2006 - 734 mots

 Que devenez-vous depuis vos déboires judiciaires ?
J’organise les choses. On ne vit pas impunément dans le métier depuis quarante ans sans qu’un réseau de clients et d’amis ne s’installe et perdure. Depuis le début de mes mésaventures, j’ai tout de même fait venir sur le marché un certain nombre de collections : les ventes René Gaffé organisées avec Christie’s à New York pour l’art moderne (le 6 novembre 2001) et à Paris pour l’art primitif (le 8 décembre 2001), Cavalero avec la SVV Calmels-Cohen et Daniel Boscher (le 24 novembre 2002), la succession Arp (le 12 juin 2003, SVV Calmels-Cohen) ; et, plus récemment, la vente Pierre Descargues (les 7 et 8 octobre 2005, SVV Calmels-Cohen). Aujourd’hui, il s’agit de la collection Vérité.

Qu’est-ce qui caractérise cette vente exceptionnelle ?
Montée à partir des années 1920 et restée quasiment secrète par la volonté des collectionneurs, Suzanne et Pierre Vérité et leur fils Claude, elle contient plus de cinq cents lots – proposés sans prix de réserve – sur une estimation globale de 15 à 20 millions d’euros. Il n’y a jamais eu de vente de cette importance en arts primitifs dans l’histoire des ventes publiques. Pour cet événement mondial, qui aura lieu les 17 et 18 juin, nous allons occuper tout le premier étage de Drouot, avec une scénographie exceptionnelle les 15 et 16 juin jusqu’à 22 heures. J’espère que cette vente confirmera la place de Paris comme lieu incontournable pour les arts premiers. J’en veux pour preuve que nos concurrents étrangers ont définitivement décidé de domicilier leurs vacations d’arts primitifs à Paris !

Cette collection annonce-t-elle votre retour sur le devant de la scène ?
Elle marque la fin de mes péripéties judiciaires, qui ont duré neuf ans. La cour d’appel a mis un point final à tout cela en octobre 2005, en déboutant les Bourdon de toutes leurs prétentions (même s’ils se sont pourvus en Cassation). La notoriété de cette vente Vérité confirme la confiance que mes clients m’ont toujours accordée.

On ne vous verra cependant pas encore au marteau…
Le marteau, c’est important, mais ce n’est pas l’essentiel. Il y a le auction business, qui demande énormément de préparation jusqu’aux derniers détails, soit neuf mois de travail pour la collection Vérité. J’ai été suspendu le 4 juillet 2004 pour trois ans, c’est-à-dire jusqu’au 4 juillet 2007. Je reprendrai le marteau au-delà de cette date en ma qualité de commissaire-priseur judiciaire.

Qu’avez-vous comme projet ?
J’ai déjà pris des parts de société dans Enchères Rive Gauche, et Marie-Laure Amrouche, ma collaboratrice, également. C’est vraisemblablement avec cette société que le commissaire-priseur judiciaire que je suis prendra soin d’autres collections qui mûrissent dans diverses spécialités.

Le choix de cette société parisienne, au nom sans patronyme, d’une neutralité absolue, semble judicieusement calculé.
Ce nom me plaît beaucoup ! La question de sa visibilité a effectivement son importance. Pour la vente Vérité dont j’ai la charge (ce qui est prévu depuis dix ans), mon premier souhait était de l’organiser avec Drouot, sous la forme d’une association « Loudmer-Drouot », en imposant les conditions à une organisation commune, en particulier sur le choix du commissaire-priseur, le catalogue, la logistique et toute la communication. Durant toute la durée des négociations avec Drouot, la promotion de la vente s’est faite sur mon nom et sur celui des experts, Pierre Amrouche et Alain de Monbrison, avec la société Enchères Rive Gauche en filigrane, puisque ce choix n’était pas définitif. Après moult échanges de lettres avec Drouot Holding en 2005, cela n’a abouti à rien. J’ai cessé les discussions le 1er décembre 2005. C’est regrettable pour Drouot, mais c’est ainsi. Mes confrères de Drouot n’ont pas jugé bon de poursuivre. Leur position était de penser que, dans la mesure où on mettait en avant le nom « Drouot », Drouot pouvait diriger les opérations. Par la suite, j’ai hésité à faire la vente à l’étranger. Mais la place de Paris est déjà tellement affaiblie…

Que pensez-vous du marché des ventes publiques de l’après-réforme ?
La force centrifuge des grosses structures est indéniable. Leurs ventes organisées à New York sont truffées d’œuvres venant de collections européennes. Le marché français reste par ailleurs très atomisé, et je ne vois pas comment les choses pourraient changer à brève échéance. Mais je me bats, et j’espère que l’on peut réussir. La collection Vérité était convoitée par tout le monde et c’est un « petit » Français qui s’en occupe.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : Guy Loudmer, commissaire-priseur, consultant pour la vente Vérité

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