Entretien

Grégoire Maisonneuve, galerie Maisonneuve, Paris

« Que mes expositions repoussent les murs »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 août 2007 - 760 mots

 Vous êtes installé depuis le 6 janvier au 22 de la rue du Poitou, dans le Marais, après avoir officié pendant quatre ans dans le 20e arrondissement. Est-ce à dire qu’une galerie ne peut rester excentrée ?
Sans doute. Je m’étais volontairement mis en périphérie, parce que c’était un moyen de se faire identifier plus vite, que la location y est moins chère et que je pouvais ainsi me concentrer sur la production d’œuvres. Ce positionnement géographique était aussi cohérent par rapport au travail de mes artistes comme Jan Kopp ou Lincoln Tobier, avec leur interrogation sur l’espace urbain. Je m’étais installé dans un quartier atypique, en espérant modifier les habitudes, en misant sur la qualité de la programmation. Mais c’est beaucoup demander que d’attendre du public qu’il vienne à moi. Les professionnels ou collectionneurs étrangers ou de province viennent souvent à Paris le temps d’un week-end. Une fois qu’ils ont sillonné le Marais et le 13e arrondissement, l’Est parisien reste le dernier wagon. J’avais voulu privilégier un espace plutôt qu’un quartier, mais je fais aujourd’hui l’inverse en passant de 130 m2 à 70 m2. Je garde toutefois à 10 % près la même surface d’exposition, en externalisant mes réserves. Vu le prix du mètre carré, autant utiliser l’espace en visibilité plutôt qu’en stockage !

Après quatre ans de participation à la foire off Liste, vous avez obtenu un « Statement » sur Art Basel 2007 avec la vidéaste Kerry Tribe. Qu’est-ce que cette « promotion » représente pour vous ?
Cela donne une légitimité aux yeux d’un certain public. Pour les quinze « Statements » proposés, il y a eu près de 290 candidatures. Les collectionneurs qui visitent cette section sont rassurés, ils savent qu’il y a déjà eu un écrémage en amont. Sur Liste, le tri reste à faire par le public, car la qualité est plus variable et le spectre plus large. Je remarque d’ailleurs que, depuis environ deux ans, avec la création de nouvelles foire off comme Voltashow et de la section « Art Premiere » sur Art Basel, on cherche à rallier davantage les jeunes galeries. Aujourd’hui, une jeune enseigne peut intégrer directement la foire de Bâle sans passer par Liste.

Une jeune galerie doit-elle coûte que coûte faire une foire, même off ?
Il y a de plus en plus de foires et il faut voir à qui cela profite. Les collectionneurs ne savent plus où donner de la tête, et les galeries sont ravies de participer, même si c’est la troisième foire off à se greffer à l’événement principal. Mais il faut s’assurer que sa présence dans une foire fasse sens. Si on arrive le nez au vent sans avoir travaillé le terrain, on fait tapisserie. On sert souvent de faire-valoir « jeune-international » à un événement qui en a besoin. On s’offre une image, mais en termes commerciaux, c’est plus aléatoire. Il ne faut pas se précipiter pour participer à une foire. Il faut en avoir les moyens.

Dans le jeunisme ambiant, fleure-t-il bon être une jeune galerie ?
La galerie n’est pas tout à fait jeune puisqu’elle aura 5 ans en février. Je ne joue pas non plus la carte du jeunisme, je n’ai pas d’artiste de moins de 30 ans. Ce drapeau que certains agitent n’est pas garant de qualité. En tout cas, ce n’est pas un filon que j’ai souhaité exploiter. Ce qui m’intéresse, c’est le contenu proposé par les artistes, après on regarde leur âge. La flambée des prix pour les jeunes artistes ne me fait ni chaud ni froid. Quelles seront les conséquences pour ces artistes lorsqu’on arrêtera de les acheter à ces prix-là ? En Parisien, en Européen, je suis dans une politique beaucoup plus prudente. C’est pragmatique aussi, car le marché ici ne nous entraîne pas dans des excès.

Au début, l’activité de production représentait une part importante de votre chiffre d’affaires. Est-ce toujours le cas ?
Cela change. Ma manière de produire est devenue celle d’un producteur, je cherche des partenariats. Au départ, j’avais une politique de grosses installations pour que mes premières années soient perçues comme des manifestes. Je voulais que mes expositions repoussent les murs de mon espace. Cette stratégie donne une visibilité à une jeune galerie, même si les pièces de grandes dimensions sont difficiles à vendre au début, ce qui induit une longue immobilisation de fonds. À un moment, j’ai dû rééquilibrer, faire des expositions moins coûteuses, plus accessibles à des collectionneurs privés. Avant, les ventes aux institutions représentaient la moitié de mon chiffre d’affaires, maintenant c’est de l’ordre de 20 %.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°251 du 19 janvier 2007, avec le titre suivant : Grégoire Maisonneuve, galerie Maisonneuve, Paris

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