Face à la raréfaction des dessins anciens, les modernes ont brillé au Salon du dessin du 22 au 27 mars.
PARIS - La dernière édition du Salon du dessin a prouvé, s’il le fallait encore, qu’il est impossible d’ignorer le moderne. D’autant plus impossible que la sélection ancienne a été cette année en sourdine. Certes, un magnifique pastel de Jean-Baptiste Perroneau représentant un notable d’Abbeville, Abraham van Robais, trônait pour 400 000 euros sur le stand de Didier Aaron & Cie (Paris). De même, Jean-Luc Baroni (Londres) avait fait une fleur au salon en accrochant la Tête de Saint Joseph d’Andrea Del Sarto, achetée pour l’un de ses clients chez Christie’s en 2005. En revanche, le stand de Katrin Bellinger (Londres) n’avait rien du panache escompté pour un grand marchand.
Il faut plus que le Vent du septentrion, belle feuille d’Edme Bouchardon cédée par Terrades (Paris) à un privé français, pour faire vibrer le chœur des anciens. Le souffle est venu comme l’an dernier des XIXe et XXe siècles. Anisabelle Berès (Paris) a même pris un malin plaisir à bousculer le butoir réglementaire de 1970 avec des œuvres de Geneviève Asse datant de 2000 et 2003 ! Un Rebeyrolle sanguin chez Laurentin (Paris) a aussi marqué les esprits. Un choc pour une clientèle encore classique. « Les visiteurs veulent bien voir un Calder, un Estève ou un Chaissac, mais un Rebeyrolle ou un Hantaï, c’est encore trop frais », convient Antoine Laurentin. L’intégration d’une à deux nouvelles galeries modernes bute d’ailleurs sur des contraintes quasi insolubles. Elle supposerait une révision, techniquement impossible, du numerus clausus, ou une révolution dans les statuts actuels réservant d’office un stand aux membres de la Société du dessin, quel que soit leur niveau…
Conservateurs étrangers
Face au tapage coloré des modernes, les exposants de dessins anciens ont adopté deux attitudes divergentes. Certains se sont crispés sur leur pré carré, même tiède, arguant que le XXe siècle a déjà tout loisir de s’exprimer sur les nombreuses foires d’art contemporain. Flavia Ormond (Londres) a quant à elle fait de la raréfaction vertu en panachant avec intelligence dessins anciens et modernes dans une même communauté d’esprit. Elle a d’ailleurs cédé à deux collectionneurs français une affiche de 1952 pour le Musée national d’art moderne par Graham Sutherland (22 000 dollars, soit 18 300 euros) et un dessin recto verso d’Henry Moore (1942) proposé pour 60 000 dollars. « J’ai commencé depuis un an à montrer des dessins modernes, faute de trouver facilement des choses de grande qualité, nous a-t-elle expliqué. Je veux attirer de nouveaux acheteurs, car les grands collectionneurs qui ont entre 60 et 70 ans tendent à ralentir. Les conservateurs de musée ont compris ma démarche, mais certains amateurs n’ont pas saisi ce changement. Pourtant, mon goût pour les choses modernes émane de ma vision du dessin ancien. » Pour sa part, Éric Coatalem (Paris) a bien assimilé la conception actuelle du dessin ancien, en privilégiant dans son accrochage les traits forts, les contrastes marqués ou les formes mouvementées.
Qu’ils soient anciens ou modernes, les exposants ont joui d’un commerce actif, grâce à la fidélité d’une clientèle dont la qualité a séduit Michel Zlotowski (Paris). Ce dernier a vendu une dizaine de pièces sur le salon, une aquarelle de Kandinsky et un dessin de Willy Baumeister ayant déjà été réservés au préalable par le Centre Pompidou. Louis de Bayser (Paris), qui a cédé une étude pour un portrait de Madame Moitessier par Ingres à un amateur américain, a relevé de son côté un nombre plus élevé de conservateurs étrangers. Le Salon du dessin garde indéniablement son attrait. Il lui reste à trouver de l’allant.
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Glissement moderne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°234 du 31 mars 2006, avec le titre suivant : Glissement moderne