Pour la première fois, une exposition confronte Alberto Giacometti et Francis Gruber, mettant en lumière leurs échanges artistiques, alimentés par leur amitié.
PARIS - Jamais pareille confrontation n’avait été réalisée, alors que les influences mutuelles d’Alberto Giacometti et Francis Gruber sont indéniables. Courageuses, Françoise et Florence Chibret-Plaussu – mère et fille et codirectrices de la galerie – ont monté cette exposition, alors que personne n’y avait songé auparavant. « Gruber n’est pas un nom qui parle. Il est mal connu de la part du grand public », explique Françoise Chibret-Plaussu, même si le Musée d’art moderne de la Ville de Paris et le Musée des beaux-arts de Nancy conservent quelques unes de ses œuvres. S’il est reconnu par ses pairs de son vivant, il est peu à peu tombé dans l’oubli. Mort en 1948 à l’âge de seulement 36 ans, il n’a laissé en tout qu’environ 300 œuvres. Elles sont donc rares (contrairement à Giacometti qui, lui, disparaît en 1966) et il aura fallu plus d’une vingtaine d’années à Françoise Chibret-Plaussu pour en rassembler une vingtaine.
Si l’exposition est une grande première, l’initiative est soutenue par la Fondation Giacometti : « elle a trouvé cela formidable et nous a même encouragés », poursuit la galeriste. Malheureusement, du fait de la rétrospective qui a lieu en ce moment même à la Tate Modern de Londres (« Giacometti », 10 mai-10 septembre 2017), Françoise et Florence Chibret-Plaussu n’ont pu bénéficier de la part de la fondation que du prêt de quelques dessins et d’une seule huile de l’artiste (Nu debout, vers 1946-1948).
1938-1948 le retour à la figuration
« C’est au cours de nos recherches et de nos lectures, que nous nous sommes rendues compte des rapports qui existaient entre Gruber et Giacometti », révèlent les galeristes. « Plus nous creusions le sujet, plus nous nous apercevions de leurs similitudes, tant dans le dessin, que de par la proximité de leurs ateliers dans le quartier Montparnasse ou même de l’amitié qui les unissait. » C’est un fait, les deux amis se rencontraient souvent depuis le début des année 1930. L’exposition rassemble une quinzaine d’œuvres de Gruber – plutôt des huiles et une dizaine de Giacometti, essentiellement des dessins. Elle se concentre sur la période entre 1938 et 1948, alors que tous deux reviennent au figuratif, laissant de côté le surréalisme.
Influencé par la Renaissance allemande – il voue une admiration sans borne à Bosch, Grünewald et Dürer –, Gruber est également inspiré par le graveur Jacques Callot, nancéen comme lui. Hommage à Jacques Callot, peint en 1942, est d’ailleurs conservé au Musée de Nancy. Comme un fait exprès, en 1945, Giacometti fait paraître un texte, À propos de Jacques Callot, dans la revue Labyrinthe, d’Albert Skira, qui fait clairement référence au tableau peint par Gruber. Les deux artistes ont en commun une écriture griffée, incisive, vibrante et resserrée. Ils pratiquent tous deux assidument le dessin, ce qui les rapproche d’autant plus. Pour eux, « le dessin est un champ d’expérimentations continues, le laboratoire d’une recherche permanente », écrit Lydia Harambourg dans le catalogue de l’exposition. Autre point de rencontre, le thème récurrent de la grande figure statique de la femme est présent tant chez l’un que chez l’autre. « Les personnages maigres de Gruber annoncent clairement ceux de Giacometti », souligne Florence Chibret-Plaussu.
Toutes les œuvres sont à vendre sauf celles prêtées par la Fondation Giacometti et une ou deux provenant de collections privées. Les dessins de Gruber, plusieurs nus féminins, sont affichés aux alentours de 15 000 euros, tandis que les prix de départ pour ses huiles se situent entre 20 000 à 30 000 euros. On peut admirer Mélancolie, 1941, Femme assise au canapé vert, 1946 (150 000 euros) ou encore L’Orage, 1938 au ciel tourmenté (85 000 euros). Quant aux dessins de Giacometti, comme les deux portraits de Francis Gruber de 1946 ou encore Portrait du Colonel Henri Rol-Tanguy, la fourchette est entre 75 000 et 150 000 euros. Comme un dernier hommage à son ami, Giacometti a dessiné la pierre tombale de Gruber, qui repose dans le cimetière du village de Thomery, en Seine-et-Marne dans la forêt de Fontainebleau.
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Giacometti et Gruber, une influence mutuelle
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 30 juin, galerie de la Présidence, 90, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°480 du 26 mai 2017, avec le titre suivant : Giacometti et Gruber, une influence mutuelle