La morosité ambiante n’a pas empêché le marché d’être fidèle à lui-même, à savoir d’être très sélectif, récompensant les œuvres de qualité par des records, tout en ignorant la médiocrité. Lors des ventes d’art contemporain de février à Londres, Sotheby’s, grâce à son auctioneer virtuose Tobias Meyer, a largement pris le pas sur Christie’s, qui proposait une vacation en demi-teinte. Gerhard Richter conforte sa position phare sur le marché. Pour combien de temps ?
LONDRES - Depuis près de dix-huit mois, le scepticisme est de rigueur dans le monde du marché de l’art. Les conditions difficiles présagées ont pourtant fait place au panache, le soir du 6 février, quand Tobias Meyer, à la tribune de Sotheby’s, a frôlé la perfection. Lors de ce qui deviendra peut-être sa meilleure prestation sur la scène londonienne, l’auctionneer a su relancer la compétition entre les acheteurs et les entraîner dans une course effrénée. Dans l’ensemble, le catalogue de cinquante lots était inégal, et comportait des œuvres mauvaises. Mais à la tribune siégeait un homme si confiant que la qualité des lots importait peu ; les enchères basses étaient rejetées, les tardives, ignorées...
Grâce à Cheyenne Westphal, à la tête du département d’art contemporain de Sotheby’s Londres, Tobias Meyer a établi des contacts solides avec l’Allemagne. Gerhard Richter est ainsi devenu une valeur sûre et quatre de ses tableaux ont généré à eux seuls plus du quart du produit de la soirée (lots 3, 12, 15, 31). D’autres artistes ont également obtenu de bons résultats : Bridget Riley, dont la composition abstraite (lot 2) est revenue au marchand londonien Timothy Taylor, pour 196 000 livres sterling (289 000 euros) – un nouveau record pour l’artiste –, après un duel contre Haunch of Venison (Londres), la nouvelle galerie du tandem Harry Blain et Graham Southern ; Andy Warhol, avec la Marilyn Reversal (lot 41), œuvre séduisante mais loin d’être unique, qui a motivé quatre enchérisseurs pour finir à 296 800 livres (437 200 euros) ; Miquel Barceló, dont le combat de taureau, une toile petite et pas vraiment convaincante (lot 28), a été adjugée 532 000 livres (783 700 euros) ; et enfin Barry Flanagan, avec le Lièvre boxeur sur une enclume (lot 17), qui a atteint le prix record de 296 800 livres (437 200 euros) grâce à un enchérisseur au téléphone.
Le public a-t-il partagé l’avis de Jussi Pylkkänen, auctioneer chez Christie’s, qui a qualifié sa propre prestation de “grande réussite” ? Le spécialiste a dispersé en à peine trente-deux minutes un petit catalogue de trente-trois lots : un lot a été retiré de la vente, six autres ont été ravalés, et treize lots n’ont pas dépassé leur estimation basse, ne motivant, qui plus est, qu’un seul et unique enchérisseur. Cependant, les résultats étaient convaincants pour le papillon de Damien Hirst (lot 9), cédé au téléphone à 248 650 livres (366 300 euros), et aussi pour la guirlande d’ampoules électriques signée Felix Gonzalez-Torres (lot 12) adjugée 188 150 livres (277 153 euros), également au téléphone.
Le plus des enchères spontanées
Dans l’ensemble, Christie’s aura tiré des résultats satisfaisants d’une vente au contenu plutôt ordinaire. Pour la première fois, l’exposition de prévente d’une grande adjudication organisée dans les locaux historiques de King Street s’est tenue dans les salles de South Kensington. Les œuvres d’art contemporain y étaient judicieusement installées, dans un accrochage intéressant. Jussi Pylkkänen aurait-il pu gagner quelques enchères supplémentaires si les lots avaient été présentés dans la salle ? Certainement. Les expositions décentralisées dont les éléments sont présentés, lors de la vente, sur des écrans, sont un frein aux enchères spontanées que savent susciter des auctioneers avisés comme Tobias Meyer.
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Gerhard Richter reste une valeur sûre du marché
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°166 du 7 mars 2003, avec le titre suivant : Gerhard Richter reste une valeur sûre du marché