Depuis 2002, et après dix ans de participation, vous êtes sur la liste d’attente de la Foire de Bâle, qui vient de fermer ses portes. Comment vit-on sans une présence à Bâle ?
Au début, j’ai très mal pris notre exclusion. Je n’ai jamais pensé que la Foire de Bâle était un acquis, mais se voir fermer les portes après y avoir connu son plus grand succès est surprenant. Cela m’a d’autant plus étonné que, l’année même où j’étais refusé, l’installation L’Hospice de Gilles Barbier, tant remarquée l’année précédente, était toujours visible sur le site promotionnel de la foire ! La sélection de la Foire de Bâle est aujourd’hui beaucoup plus liée au marché. Les galeries américaines de second marché y figurent, de préférence à des galeries européennes de premier marché. Il est étonnant qu’on ne soit pas admis alors que nous sommes les seuls à présenter certains artistes déjà confirmés. Ne pas être à Bâle est toutefois un handicap surmontable, puisque nous avons triplé notre chiffre d’affaires depuis trois ans.
L’un de vos artistes, Gilles Barbier, expose jusqu’au 17 septembre au Carré d’Art, le Musée d’art contemporain de Nîmes. Bénéficie-t-il de la reconnaissance française et étrangère escomptée ?
Il y a deux aspects, commercial et institutionnel, à distinguer. Commercialement, cela marche fabuleusement. Je vends mieux Gilles Barbier à des collectionneurs étrangers que beaucoup d’autres artistes français ayant des galeries à l’étranger. En revanche, alors qu’il a figuré à la Biennale de Venise en 1999, au Whitney Museum [à New York] en 2003, et dans un grand nombre d’expositions internationales, il a reçu, en deux ans, une seule visite d’atelier de la part d’un commissaire français. Il n’est pas dans le champ d’intérêt des critiques qui ont été aux commandes ces dernières années. Il est vrai qu’un jeune commissaire d’exposition ambitieux croit que son salut se situe outre-Rhin, outre-Manche, outre-Atlantique, mais pas outre-Seine…
Le problème est plus général. Lorsqu’on interroge les gens à l’étranger, 90 % disent qu’il n’y a pas de jeunes artistes français, car, chaque fois qu’ils viennent à Paris, ils n’en voient pas. À Beaubourg, ils voient Aurelie Nemours ou Nicolas de Staël. Pendant la FIAC, même l’École nationale supérieure des beaux-arts – qui doit lancer des artistes vivant en France –, fait une exposition sur les artistes indiens. Je ne critique pas cette programmation, mais le moment était mal choisi. Jamais en Angleterre, un tel choix aurait été fait simultanément à Frieze Art Fair. Il existe outre-Manche un outil qui marche, le Turner Prize. Le système est on ne peut plus simple : quatre espaces de taille égale sont donnés à quatre artistes exposés pendant un mois dans une institution prestigieuse, la Tate Gallery. La désignation du vainqueur devient un enjeu, suscite des paris. En France, qu’a-t-on avec le prix Marcel-Duchamp ? Quatre petits espaces, qui ont certes les qualités d’un stand – avec 80 000 visiteurs en cinq jours –, mais aussi les défauts, à savoir l’exiguïté et les contraintes techniques liées à une structure temporaire. Résultat des courses, le « meilleur artiste français » voit son sort se décider au sein d’une structure instable, après seulement une journée et demie d’installation.
Vous exposez jusqu’au 20 juillet Keith Tyson. Comment parvenez-vous à rester dans la course alors que l’artiste britannique est aussi dans des galeries très puissantes comme Pace Wildenstein (New York) ou Haunch of Venison (Londres, Zurich) ?
Nous faisons un très bon travail depuis dix ans, en intégrant cet artiste dans de nouvelles collections et en le faisant entrer dans les collections de Beaubourg. Keith a une vraie fidélité professionnelle et amicale pour nous. Notre galerie a pour lui un statut d’expérimentation, ce qui nous rend complémentaires de ses deux autres galeries. Nous lui servons de soupape et il peut se mettre à nu chez nous.
Vous avez été sollicité comme conseil pour l’exposition des Nouveaux Réalistes, prévue au Grand Palais en 2007. Quel jugement portez-vous sur les relations entre les musées français et le monde marchand ?
J’ai été sollicité comme conseil, mais lorsque j’ai voulu que cela soit exprimé de manière officielle, cela m’a été refusé. Les relations public-privé se sont améliorées ces dix dernières années. Mais si, à l’échelle régionale, on assiste à de vraies collaborations, au niveau national, nous sommes restés à une vision d’un autre temps. Il existe encore des préjugés qui ne tiennent pas compte de la qualité ou des compétences des gens.
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Georges-Philippe Vallois, galeriste d’art contemporain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : Georges-Philippe Vallois, galeriste d’art contemporain