Les collectionneurs se sont rués à Bâle
sur une poignée d’artistes adoubés en vente publique.
Après le tourbillon new-yorkais du mois de mai, les regards ont convergé à partir du 15 juin vers la Foire de Bâle, Mecque de l’art contemporain et baromètre du marché. Malgré sa très bonne tenue et son professionnalisme à nul autre pareil, les chefs-d’œuvre y étaient rares, notamment dans la section moderne. Les Schwitters et autres Arp sortis pour l’occasion ne tenaient pas la comparaison avec les pièces de l’exposition du Kunstmuseum de la ville. En écho aux ventes new-yorkaises de mai, les marchands arboraient un grand nombre de vaches de Jean Dubuffet. On a ainsi pu voir pour 2,5 millions de dollars (environ 2 millions d’euros) une vache blanche de 1954 chez le Londonien Waddington et, pour 650 000 dollars, une gouache de la même veine chez le Canadien Landau. La raréfaction se faisait aussi sentir côté contemporain. Comme le souligne le courtier Philippe Ségalot, le marché dans le secteur moderne et contemporain est tellement fort, du moins outre-Atlantique, que les galeries vendent tout au long de l’année à des collectionneurs affamés. Elles ont dès lors toutes les peines du monde à réserver des pièces pour Bâle. On s’étonnait alors de retrouver sur le stand de Metro Pictures (New York) deux photographies de la série des clowns de Cindy Sherman issues de sa dernière exposition (8 mai-26 juin). La rumeur avait couru à l’époque que tous les tirages étaient vendus. Renseignement pris, la galerie avait choisi de « sauver » deux pièces pour Bâle, cédées illico le jour du vernissage. La galerie new-yorkaise Skarstedt a été sans doute la plus maligne en proposant un trio lucratif – Keith Haring, Richard Prince, Cindy Sherman – immédiatement sold out. Malgré des prix parfois délirants, la folie acheteuse était au rendez-vous dès le premier jour. Ainsi la Sphère de Sylvie Fleury déployée pour 140 000 francs suisses (92 850 000 euros) dans Art Unlimited était réservée dès le vernissage. Dommage que cette excitation ne touche qu’une poignée d’artistes adoubés en vente publique. Côté français, la galerie Marian Goodman n’a présenté aucune pièce d’Annette Messager (lire p. 13), qui représente pourtant la France lors de la prochaine Biennale de Venise, ou de Pierre Huyghe, chouchou des New-Yorkais. Même Christian Boltanski n’était là qu’avec des pièces anciennes. Bon point enfin pour Air de Paris (Paris) et Rodolphe Janssen (Bruxelles), qui ont joué le jeu des pastilles jaunes en présentant plusieurs œuvres à moins de 5 000 euros, chose rare par les temps qui courent.
Cette fièvre consumériste qui a enveloppé la bourgade helvétique n’était pas palpable dans les rendez-vous parisiens du mois de juin. Habituellement couru par le tout-Paris, le Carré Rive Gauche était cette année sur sa réserve. Moins de foule, moins de zèle, moins d’expositions de qualité. Comble de l’affaire, certains membres du Carré ne s’étaient même pas donné la peine de rester ouverts pour le vernissage. Dans le désenchantement perceptible à tous les coins de rue, seuls Nicolas et Alexis Kugel affichent une mine réjouie. Ils prendront leurs quartiers à la mi-septembre quai Anatole-France, dans un hôtel particulier de quatre étages décoré par François-Joseph Graf. Après l’installation d’Antoine Laurentin au printemps, leur arrivée bouleverse la géographie du marché parisien en faveur de la rive gauche.
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Frénésie pour l’art contemporain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°196 du 25 juin 2004, avec le titre suivant : Frénésie pour l’art contemporain