Art contemporain

Frénésie « ad nauseam » sur Frieze

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2006 - 663 mots

Les ventes ont dopé la foire de Londres dans Regent Park, malgré une piètre qualité générale des œuvres présentées sur les stands.

 LONDRES - Organisée à Londres du 12 au 15 octobre, Frieze Art Fair est une foire à donner le tournis : le parterre de collectionneurs s’avère chaque année plus bluffant, les prix délirants et les stands réachalandés du jour au lendemain comme dans un supermarché. Or le tournis n’est pas le mode le plus propice pour apprécier l’art. Encore faut-il préciser les limites de ce dernier, dans une manifestation dont le niveau baisse d’année en année, presque proportionnellement à la flambée des ventes, à l’image des fesses de la commissaire d’exposition Alison Gingeras photographiées par (son compagnon) Piotr Uklanski, et vendues par une de ses nouvelles galeries, Larry Gagosian (New York, Londres, Los Angeles), pour 50 000 dollars.
Du produit, voilà ce que cherchent certains acheteurs en quête du dernier artiste brand new comme d’autres de la nouvelle collection de sacs Dior. Aussi les exposants de Frieze ont-ils souvent livré du prêt-à-consommer. Sustenter les collectionneurs est devenu un impératif tel que même les meilleurs artistes se fourvoient hors de leurs périmètres. La galerie Francesca Kaufmann (Milan) proposait ainsi des œuvres « domestiques » de Candice Breitz, sorte de miroirs combinant les photos des hôtels où elle a séjourné avec des paroles de chansons de variétés. De telles pièces sont supposées contenter les privés, la galerie ayant décidé de ne vendre les installations qu’aux musées. De son côté, l’artiste Rodney Graham semble s’être découvert une vocation de peintre, au vu de la sélection de tableaux réalisés depuis cinq ans et déployés pour la première fois chez Donald Young (Chicago) !
« C’est le cirque, mais cela profite à tout le monde, aux galeries et aux artistes », a admis Olivier Antoine, directeur de la galerie Art : Concept (Paris). Certains marchands comme Mai 36 (Zurich) n’ont vu la vague que de très loin… En revanche, quelques créateurs chevronnés, comme Thomas Hirschhorn, ont bien réussi à surfer. Deux installations de l’artiste suisse ont été achetées, l’une par le fonds d’acquisition pour la Tate chez Chantal Crousel (Paris), l’autre par la collectionneuse italienne Patrizia Sandretto Re Rebaudengo chez Barbara Gladstone (New York). De même, Cosima Von Bonin, présentée par Neu (Berlin), a vu une de ses fusées se propulser chez la collectionneuse Rosa de la Cruz (Miami). Un grand collectionneur français a emporté quant à lui un beau dessin de Cameron Jamie chez Nathalie Obadia (Paris).

Minimalisme ambiant
Le marchand et collectionneur genevois Pierre Huber a lui craqué pour l’œuvre la plus énigmatique, car invisible, de la Foire : les nano-sculptures de Loris Gréaud présentées dans le cadre des Frieze Projects. Les artistes les plus jeunes furent quant à eux pris d’assaut grâce à quelques événements parallèles. La délicate exposition « Rings of Saturn » à la Tate Modern a ainsi donné des galons à David Noonan. Deux de ses œuvres ont été enlevées, l’une pour 10 000 dollars (7 900 euros) chez The Hotel (Londres), et l’autre pour 14 000 dollars (11 150 euros) chez David Kordansky (Los Angeles). Dans le maelström ambiant, où le bon grain se noyait dans l’ivraie, les one-man-shows ont fait de la résistance, comme les photos de Joel Stern chez Luhring Augustine (New York), les appropriations de Michael S. Riedel chez Michael Neff (Francfort) ou encore les facéties virtuelles des Kolkoz (Benjamin Moreau et Samuel Boutruche) chez Emmanuel Perrotin (Paris). La palme du brio revient à Gió Marconi (Milan), dont le stand tapissé de noir révélait une œuvre historique de Louise Nevelson pour environ deux millions d’euros. Eigen Art (Berlin/Leipzig) avait enfin fait le vide en ne présentant qu’une œuvre de Carsten Nicolai, un faisceau de lumière blanche frappant le cœur d’un carré noir. Après son stand minimaliste sur la foire Art Forum Berlin, la galerie semble tirer à sa façon la sonnette d’alarme : assez jouer avec les gadgets du marché, comme les peintres de Leipzig !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Frénésie « ad nauseam » sur Frieze

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